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UN DIVORCE

jour-là que j’ai compris combien vous êtes bon et…

— Oui ! s’écria-t-il avec transport, c’est bien cela !

Et il l’entoura de ses bras en cherchant ses lèvres ; mais elle résista.

— Non, Camille, ce n’est pas bien !

— Et pourquoi n’est-ce pas bien ? dit-il mécontent. Êtes-vous encore à lui ? N’êtes-vous point à moi ?

— Aux yeux du monde, je suis encore sa femme, répondit-elle.

— Et où sont les yeux du monde ? ma pauvre enfant. Nous sommes seuls ici avec notre conscience. N’invoquons pas de faux dieux. Le monde est le dieu des femmes, mais il n’est pas le vôtre, Claire. Aux yeux de la justice et de la vérité, aux yeux du vrai Dieu, le jugement sur votre divorce n’est-il pas porté déjà ? Car le mariage est indissoluble ou il ne l’est pas. Si les crimes de M. Desfayes ont rompu vos liens, vous êtes libre dès ce moment, libre par conséquent de disposer de vous-même. Et ce n’est pas ma conscience qui me retient de vous le demander, Claire, mais votre intérêt seul.

Il ne cherchait plus à l’embrasser ; mais l’accent un peu triste de sa voix résonnait jusqu’au fond du cœur de la jeune femme.

— Je crois que vous vous trompez, dit-elle en s’efforçant de cacher son trouble. S’il en était ainsi, ne serait-il pas trop facile… ?

— Facile ou difficile n’est pas la question, Claire. Elle est plus haute, et réside tout entière dans le principe. Les hommes font des règlements de police ; mais ils ne font pas des lois ; les lois, ils les découvrent, ou les méconnaissent. Je le répète : ou votre mariage ne peut jamais être rompu, ou bien il l’est du jour où M. Desfayes vous a trahie. Est-ce donc le jugement de quelques in-