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UN DIVORCE

le degré de confiance au mal qu’il possédait, mais elle fut condamnée par tous.

Quelques personnes alors se remémorèrent certains indices du penchant que Camille et Claire avaient éprouvé l’un pour l’autre avant le mariage de mademoiselle Grandvaux. On remarqua que plus tard Camille avait choisi sa demeure chez une amie intime de madame Desfayes ; on calcula combien de fois ils avaient pu se rencontrer dans le jardin de madame Renaud, et l’on s’étonna que la belle promenade de Montbenon, si proche de la maison Desfayes, eût eu pour Claire moins d’attrait que ce petit jardin éloigné. Tout cela concordait et pouvait fournir des bases aux jugements les plus sévères. Les hommes ont l’habitude de juger par les faits, en mettant de côté tout le monde occulte des impressions intérieures.

Remonter en ligne droite de l’effet à la cause est un acte de logique souvent très-faux quand il s’agit d’apprécier la moralité d’un être ; car le fait, souvent imprévu, échappe à notre volonté dans beaucoup de cas, et outre que le mouvement qui l’a produit n’est pas toujours le principal moteur de notre âme, la pression des circonstances, l’influence d’autres volontés, la fatalité de certaines situations peuvent entraîner à des actes que la conscience avertie eût rejetés. On gratifia donc l’amour de Claire et de Camille de tous les torts de la préméditation, et, tandis qu’il avait été provoqué chez l’un et chez l’autre par la conduite de M. Desfayes, il servit à la justifier.

Ces dispositions du public, Claire put les comprendre d’après ce qui passa dans sa famille, où on ne lui pardonna point son amour pour Camille, ni le scandale qu’il avait produit. Elle se trouva frappée de déchéance morale vis-à-vis de tous. Anna elle-même blâmait sa sœur