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UN DIVORCE

On se rendit à un si juste désir, et, quelques instants plus tard, M. Sargeaz et Dimitri marchaient côte à côte sous les ombrages de Montbenon, délivrés de la conversation extra-poétique de M. Pascoud, qui les avait accompagnés jusque-là.

— Mon ami, dit le jeune comte, votre famille subit une de ces épreuves qui rendent pénible la présence d’un étranger. Quand je vous aurai accompagné jusqu’en vue de la maison, je retournerai à Lausanne.

— Mon fils adoptif ne peut être considéré par ma famille comme un étranger, répondit le vieillard en le regardant avec tendresse. Votre absence, Dimitri, m’enlèverait une partie de ma joie. Ne vous inquiétez pas ; ce sont des créatures bonnes et simples.

Ils continuèrent leur chemin, le vieux Vaudois considérant avec des yeux charmés tout ce qu’il revoyait et nommant à son compagnon de route les lieux célèbres de cette grande vallée, que des hauteurs ils découvraient presque tout entière.

Arrivés à la grille de Beausite, par où venait de sortir pour la dernière fois le créateur de ce domaine, ils marchèrent silencieux dans l’avenue déserte, le beau chien danois quêtant devant eux.

Ils étaient à peu de distance de la maison, quand le danois disparut derrière un massif ; on entendit aussitôt des cris d’enfants et des froissements de branches.

— Azof ! appela le comte.

Le chien gronda, les cris redoublèrent, et les deux hommes accourus virent un petit garçon et une petite fille, laquelle, enfoncée dans les branches, criait de terreur, tandis que son frère, la couvrant de son corps et le bras levé dans une attitude héroïque, menaçait le chien planté en face d’eux.