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UN DIVORCE

— C’est la réalité, Mathilde. Pendant ma jeunesse, je vous l’ai déjà dit, avant d’avoir compris la vie, j’ai commis le mal. J’en ai beaucoup souffert, et dans ma conscience et par vous-même, dans les efforts vains de ma tendresse pour vous. Je ne sais pourquoi : est-ce l’importance même et le regret de ma faute qui m’attachaient à elle ? est-ce l’amour de vingt ans, le premier amour ? mais jamais je n’ai cessé de penser à votre mère avec un tendre intérêt. Je l’ai quittée, contraint de partir. Depuis, je l’ai plainte ; récemment, je l’ai pleurée. Et vous, Mathilde, vous, l’enfant de l’adultère, exilée de moi et livrée par la loi au pouvoir et à l’affection d’un autre, j’ai toujours aspiré à vous ressaisir, et vous m’êtes de mes enfants la plus chère. J’aurais voulu vous aimer, être aimé de vous, et vous posséder près de moi sans être obligé de faire un aveu dont je dois rougir et qui sans doute, hélas ! vous humilie. Mais toutes mes tentatives ont échoué. Maintenant, Mathilde, ma fille, voulez-vous me suivre ? Je vous en supplie à genoux !

Il se courbait en effet devant elle, les mains jointes.

Éperdue, elle s’écria :

— Mais c’est un rêve ! Je vous aime et je vous plains. Je vous suivrais certainement si j’étais… orpheline, mais… Elle s’arrêta : Ah ! vous avez beau dire, M. Sargeaz est mon père. Il est mon père ! Je le sais bien, moi !

— Mathilde ! Mathilde ! ne doutez pas. Lui-même, celui que vous appelez votre père, il sait que je dis vrai.

— Lui ! dit Mathilde ; il sait qu’il n’est pas mon père, et il m’a aimée si fortement ! Il m’a caressée quand j’étais petite, et consolée ! Il m’a élevée, soutenue en toute occasion ! Il m’a nourrie de son travail et de son âme !… Ah ! s’écria-t-elle en poussant du plus profond de son cœur