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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/480

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UN DIVORCE

un grand cri et se jetant dans les bras de M. Sargeaz, qu’elle vit tout à coup près d’eux, vous vous trompez, c’est mon père !

— Je ne vous ai point épié, monsieur, dit le vieillard avec noblesse et d’un ton plein de douceur. Vous vous êtes avancé imprudemment derrière cette allée, où nous étions assis, Tcherkoff et moi. J’hésitais à vous interrompre, et d’ailleurs Mathilde devait être laissée libre. Mais vous avez fait appel à mon témoignage, je suis venu.

Et se tournant vers Mathilde :

— Il a dit la vérité.

L’attitude de sir John était navrante d’abattement.

— Je vous ai fait beaucoup de mal, monsieur, dit-il… j’en ai bien souffert.

— Je le sais, répondit M. Sargeaz. Aussi, quoique nous ne puissions jamais nous donner la main, je vous estime, et je vous ai pardonné. Après un instant de silence, il reprit :

— Choisis, Mathilde.

— Non ! dit sir John Schirling, en interrompant la jeune fille, au moment où elle allait répondre, je me retire. Miss Mathilde a déjà parlé, et ce qu’elle a dit est juste. Elle m’a fait sentir que j’allais commettre un nouveau crime vis-à-vis de vous. C’est vous, en effet, monsieur, vous qui, depuis l’enfance, l’avez élevée et chérie, c’est vous qui êtes son véritable père.

Il ne put retenir ses larmes en disant :

— Mathilde, au moins, serai-je encore votre ami ?

— Le plus cher, après lui, répondit-elle en désignant M. Sargeaz.

En même temps, elle serrait avec effusion les mains de sir John.

Il la remercia du regard et s’éloigna, brisé de douleur.