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UN DIVORCE

que je vous offre, Mathilde. Peut-être est-ce la torture et la mort.

Elle s’écria, rayonnante d’enthousiasme :

— Je vous remercie, nous serons heureux !

— Je puis maintenant, dit M. Sargeaz, te raconter, devant ton mari, l’histoire de ta mère. Elle est triste, mon enfant ; mais je te supplie d’être indulgente. Jusqu’ici tu as détesté les égarements des hommes ; mais la haine est peu féconde. Si tu veux savoir relever les faibles, il faut chercher à les comprendre et distinguer l’être de sa propre action.

Ta mère était un être bon, mais sans force. Elle était de ces créatures mobiles et vacillantes que tout ce qui brille attire et séduit ; souvent folle, toujours sincère. Elle m’a aimé, et je lui dois deux ans de bonheur.

Puis… elle en aima un autre, sir John Schirling. Il était beau alors ; il avait vingt ans. D’abord je ne vis rien ; j’avais confiance en elle ; mais elle ne savait pas tromper, et bientôt je compris tout. Déjà nous avions un fils ; nous ne pouvions pas nous séparer… Je cherchai donc à force de dévouement à reprendre son âme ; j’acceptai l’enfant de sa faute, et m’efforçai d’édifier sur les ruines de notre amour une amitié forte.

D’abord, elle sembla comprendre, puis elle oublia… Plus tard enfin, abandonnée par un autre amant qu’elle poursuivit avec folie, elle révéla notre malheur à toute la ville. On me conseillait alors, on m’imposait même, au nom de mon honneur, le divorce. Mais que fût-elle devenue, privée de ses enfants et du seul ami qu’elle eût au monde ? Je ne pus oublier qu’elle avait été ma femme, et qu’elle était votre mère ; je voulus remplir le serment que j’avais fait de la protéger toujours, et la sauver de l’abjection et de la misère où elle serait tombée. Ses en-