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UN DIVORCE

Mathilde prit ensuite la main de M. Sargeaz, et l’entraînant à quelques pas, afin de se dérober à la vue de sir John, elle lui jeta les bras autour du cou et l’étreignit contre son cœur avec une sorte de délire. Et elle pleurait, Mathilde !

— Ah ! lui dit-elle, toi que j’estimais si haut déjà, je ne te connaissais pas encore. Je recevais tes soins comme chose due, sans savoir que chacune de tes caresses et chacun de tes conseils était une grâce, un bienfait, une élection. Oh ! mon vrai père, je t’aime ! et quand je devrais n’être jamais aimée que de toi, va, cela me suffirait.

— Non ! dit-il, en l’emportant jusqu’au banc tout proche, où se trouvait Dimitri.

Et la faisant asseoir près du jeune homme, il les enlaça du même bras tous deux, en ajoutant :

— Nous vivrons à trois, désormais.

— Chère Mathilde, voulez-vous être ma femme ? demanda en tremblant Dimitri.

— Je vous aime ! répondit-elle.

Le jeune homme la serra dans ses bras avec une joie profonde, puis il dit :

— J’ai entrepris, vous le savez, une œuvre immense. Nous avons à faire passer de l’état de serfs à l’état d’hommes des milliers de créatures ; nous avons à lutter contre des difficultés ardues, des lois féroces, contre les iniquités les plus sanglantes et les répugnances les plus stupides, et nous serons exposés de tous côtés aux poignards du peuple, aussi bien qu’aux cachots du czar. En outre, ce qui se tramera en Russie de réformes sociales ou politiques, par la seule voie possible des conspirations, j’en serai. Ce n’est donc point la grandeur ni la fortune