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UN DIVORCE

union serait un malheur certain, un odieux sacrifice, et tu ne dois pas y consentir.

— Assurément, répondit le vieillard en baissant la tête avec désespoir.

— Non, pensait-il, elle ne peut lui pardonner. Elle est humiliée dans son amour ; elle n’a plus d’espérance, plus de garanties. C’est fini !

Le lendemain, à midi seulement, Étienne entra dans le salon. Il était pâle et triste ; mais avec une expression de fermeté qui ne lui était pas ordinaire. Anna et lui se regardèrent seulement à la dérobée.

Après le dîner, sous divers prétextes, Étienne serra la main à chacun et remonta dans sa chambre. Pour Anna, elle alla s’asseoir près de la fenêtre, les yeux fixés au dehors.

On la vit tout à coup se lever très-vivement, et elle sortait, quand sa main, sur le bouton de la porte, rencontra celle de M. Sargeaz.

— Mon père, il part ! dit-elle.

— Anna, réfléchis bien, trop de clémence est une folie.

Pour toute réponse, elle sortit en courant et rejoignit Étienne au milieu de la prairie ; car il évitait l’avenue pour n’être point vu. Il était en costume de voyage, un sac sur le dos. En entendant marcher derrière lui, il tourna la tête, fit une exclamation et laissa retomber ses bras, comme un homme accablé de l’épreuve qu’il va subir. M. Sargeaz, qui avait suivi sa nièce, était à quelque distance.

— Étienne, dit la jeune fille, où vas-tu ?

— Puis-je rester ? répondit-il. Ah ! je suis trop las, je te le jure, de rougir de moi-même, et je ne puis supporter de rougir vis-à-vis de toi. Je retourne en Italie, où je