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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/61

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UN DIVORCE

— Hélas ! répondit la vieille d’un ton gémissant, merci bien, mademoiselle, mais c’est toujours la même chose. J’ai bien fait le remède que m’a donné mademoiselle ; mais que voulez-vous ? c’est du repos qu’il faudrait ; et on ne peut pas en prendre, puisqu’il faut bien que la misère mange le pauvre monde jusqu’à la fin.

— Allons, mère Vionnaz, je reviendrai causer avec vous, et nous verrons ce qu’on pourrait faire.

— Mademoiselle est bien bonne et bien charitable. Eh ! mon Père ! si mademoiselle venait à se marier, comme va faire, à ce qu’on dit, mademoiselle Claire, c’est moi qui regretterais… Au moins on ne peut pas dire que ce n’est pas un beau fiancé, car ils ont passé là tout à l’heure, et…

Tout en rougissant un peu de l’indiscrétion de sa protégée, Anna lui souhaita le bonsoir du même ton affectueux, et s’éloigna suivie de son cousin.

— Voilà un moineau qui n’a pas encore son gîte, et qui veut aussi te parler, je crois, dit Étienne à Anna.

Elle sourit.

— J’aperçois notre monde là-bas, dit-elle.

— Et je distingue, marchant par derrière, nos deux fiancés qui se donnent le bras. Regarde, petite cousine, comme ils sont penchés l’un vers l’autre. Sapristi ! ça donnerait envie de se marier. Qu’en dis-tu ?

— Moi ? je ne sais pas. Est-ce qu’on parle de cela aux petites filles ?

— Mais tu n’es plus une petite fille, dit-il en la regardant fixement. Tu as seize ans, et vraiment… c’est étrange comme depuis quelque temps tu n’es plus la même. Tiens, tu sais que je parle avec franchise, moi ; eh bien ! on dit que tu n’es pas aussi jolie que ta sœur ; moi, je ne trouve pas cela du tout, et même, vrai ! je te