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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/68

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UN DIVORCE

femme, joignait des exclamations plus graves à leur voix flûtée ; l’accent aigre de mademoiselle Charlet se mêlait au chœur. Et toutes ces mains, à la fois respectueuses et avides, s’allongeaient, se croisaient, dépliaient les étoffes, saisissaient les bijoux, et toutes les formules de l’enthousiasme se succédaient et s’entrechoquaient. Anna écoutait, le sourire aux lèvres, en regardant sa sœur, comme pour jouir de la satisfaction qu’elle devait ressentir. La belle fiancée, en effet, était heureuse et triomphante. Cependant au fond de ses yeux bleus on voyait une langueur rêveuse. Elle n’était, point toute à la vanité ; elle souriait bien à ce luxe mais quelque autre chose agitait son cœur. Deux ou trois fois son regard se porta furtivement sur la pendule et revint se poser distrait sur les beaux colifichets.

M. Desfayes a très-bien fait les choses, dit madame Pascoud. C’est tout à fait à son honneur. On voit qu’il a bon goût, et c’est vraiment très-agréable d’avoir un mari qui a du goût. Il y en a tant qui se soucient peu de voir leurs épouses mal habillées !

Elle poussait en même temps un long soupir.

— Oui, c’est de bon augure, dit la tante Charlet.

— Moi, je suis toute persuadée que M. Desfayes sera un mari charmant, s’écria la plus jeune des demoiselles Pascoud, Fanny.

— Frivole ! dit sa sœur.

— Oh ! parce que tu vas épouser un ministre, Louise ! Pourtant, j’espère bien que ses cadeaux de noces ne se borneront pas à un livre de psaumes.

— Non, non, reprit la mère. M. Boquillon sait trop ce qu’il se doit. C’est son devoir de prêcher en chaire contre les biens de ce monde, mais il sait qu’on ne peut pourtant pas faire moins que les autres à cet égard-là. C’est réelle-