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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/75

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UN DIVORCE

s’apercevoir, excepté peut-être une fauvette, qui, perchée dans les acacias, s’en donnait à cœur-joie, et de petites bêtes qui criaient d’aise dans les herbes, et des moucherons dansants.

Au milieu de ces bruits, un autre bruit se fait entendre, un pas ! Oui, c’est son pas rapide, c’est lui ! Et le coup d’œil qu’elle a jeté par la fenêtre, il l’a surpris, car lui aussi la cherchait ; elle a reçu ce regard plein d’adoration et de joie, et, toute rougissante, elle s’abrite derrière la muraille, jusqu’à ce qu’elle l’ait entendu pénétrer dans la maison. Elle voudrait bien descendre alors, mais elle n’ose ; elle ne veut pas montrer tant d’empressement ; elle attend, mais les minutes lui semblent bien longues ! Comment, sa sœur ne viendra pas l’appeler ! Enfin du pied de l’escalier monte la voix de madame Grandvaux : — Claire ! — Elle descend, et d’un petit air d’indifférence elle ose bien demander à sa mère : — Que me veux-tu ?

On retint à souper Mathilde, qui donnait ce jour-là sa leçon aux enfants Schirling. Le soir, comme on se promenait dans l’enclos, en voyant les deux fiancés au bras l’un de l’autre, qui, absorbés et comme enivrés d’eux-mêmes, ne voyaient et n’entendaient qu’eux, bien qu’ils se parlassent à peine, Mathilde haussa les épaules et fit un sourire de mépris.

— Comprends-tu cela, toi, cet amour subit ? demanda-t-elle à Anna, qui marchait près d’elle.

— Moi ! oh ! je ne sais pas, mais je trouve charmant de les voir s’aimer ainsi.

— Aimer ! reprit la jeune philosophe avec dédain ; aimer ! est-ce aimer, cela ? Les gens ont un empressement à s’emparer comme cela des grands mots, comme s’ils pouvaient en même temps s’approprier les grandes