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UN DIVORCE

que toi : et cela n’est pas possible. Et puis encore, tu es bonne comme un ange. Ah ! je t’assure que jamais…

Il s’arrêta.

— Jamais ? répéta-t-elle, avide de tout ce qu’il disait.

— Rien, j’allais dire une bêtise.

— Eh bien ! dis-la.

— Non ; tu me gronderais, et tu aurais raison. Ça ne mérite plus même la peine d’y penser. Tiens, je ne comprends pas que nous ne nous soyons pas mariés dix ans plus tôt.

— C’est que je n’avais que dix ans alors, observa-t-elle en souriant.

— Ah ! c’est juste. Eh bien ! il me semble que je n’ai guère fait que m’ennuyer en t’attendant. Croirais-tu que j’avais peur du mariage, autrefois ? On est stupide. Le temps se passe à changer d’avis.

— Mais tu n’en changeras plus ? dit-elle en attachant sur lui de grands yeux pleins d’amour et de confiance.

Il se pencha, voulant répondre par un baiser ; mais la jeune femme rougissante se rejeta en arrière en lui montrant du regard ceux qui les entouraient, et ils échangèrent seulement un sourire d’intelligence.

— Les stupides gens ! grommela le jeune mari. On ne peut être à soi. Notre guide de la Gemmi était bien plus aimable.

— Oui, celui qui marchait toujours en avant sans regarder derrière lui. Le bon guide ?

Et ils riaient de souvenir.

On approchait de Vevey. En arrière du bateau, sur Villeneuve, les crêtes pittoresques d’Arvelles, toutes rayées de ravines, n’apparaissaient plus qu’estompées de brume, et le mont Soncho, qui surplombe Chillon, hérissé de blondes forêts de hêtres, devenait sourcilleux. Et