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Je me suis frotté l’échine avec de l’eau de la grotte ; et subitement je suis devenu aussi plat au physique que je l’étais déjà au moral.

Albert Millaud.
Rédacteur du Figaro.

Miracle no 3.

J’avais un défaut de langue très-prononcé. Je zézayais. J’étais obligé de ne parler que par phrases très-courtes, quand je voulais me faire comprendre ; sans quoi, ma voix se mettait à imiter le bourdonnement de la mouche, ce qui était très-rigolo, mais diablement gênant.

Et puis, le prestige !

Quand on s’appelle le duc de Broglie, il faut avoir du prestige, palsambleu !

Pour me guérir de mon zézaiement, j’ai suivi l’exemple de Démosthènes, je me suis fourré des cailloux dans la bouche. Ah ! ouiche ! ma voix avait l’air d’imiter le bourdonnement de toute une ruche d’abeilles. Je me serais flanqué des pavés plein le bec, si j’avais pu.

Alors, voyant mes efforts inutiles, je suis allé d’abord visiter le sanctuaire de Notre-Dame de Saint-Palais. La vierge de là m’a dit : « Imbécile ! il ne suffit pas de te bourrer la gueule avec des cailloux, il faut les avaler. »

Cette médecine m’a paru un peu roide ; mais, quand on a la foi, on n’y regarde pas de si près. J’ai donc avalé mes cailloux ; je suis devenu une véritable autruche. Résultat : aussi zézayeur qu’avant !

Enfin, j’ai accompli le pèlerinage de Lourdes.

Oh ! mes enfants, quelle riche idée j’ai eue là !… J’ai bu de l’eau de la grotte, et, vertu de ma vie ! j’ai maintenant le langage aussi limpide que la Source miraculeuse.

Je ne crains plus les phrases longues ; je puis même débiter des vers de Lorgeril.

Aussi, au premier ordre-moral, au lieu de prendre le portefeuille de la justice, je me nommerai professeur de diction au Conservatoire de Paris.

Duc du Broglie.