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LA VIE DE JÉSUS

— Eh bien, dirent-ils, cette fois, ça y est ; votre popularité n’est plus discutable. Vos prodiges vous ont acquis toute cette multitude. Ils sont là par centaines, qui vous réclament et veulent encore des miracles.

— Non, répondit Jésus, en voilà assez pour cette fois ; il ne faut pas abuser des bonnes choses. Du reste, les Capharnautes ont été très favorisés par moi ; mais je ne suis pas descendu du ciel à leur seule intention. Il y a d’autres bourgades et d’autres villes qui ont besoin de mes services. Allons-y !

À peine avait-il prononcé ces mots, que la foule, qui suivait de près les disciples, parut. Elle essaya de faire entendre au Christ qu’il serait mieux à Capharnaüm que partout ailleurs, qu’on le logerait aux frais de la cité, qu’on le popoterait, qu’il serait heureux comme un poisson dans l’eau.

Les femmes se faisaient surtout remarquer par leur insistance.

Pas une qui ne gobât Jésus.

Elles prenaient leurs airs les plus câlins et minaudaient avec des manières de chattes amoureuses :

— Vous verrez, Rabbi, comme vous serez entouré de soins et de prévenances !

— Nous vous rendrons l’existence si douce, si douce !

— Dans les autres villes, vous vous exposez à rencontrer des gens grossiers, comme à Nazareth, qui vous insulteront, tandis qu’ici…

— Vous serez choyé !

— Vous serez fêté !

— Vous serez dorloté !

— Nous vous aimerons toutes, quoi !

Jésus était charmé de tant de sollicitude ; mais, nous l’avons, vu, il n’avait pas le tempérament casanier.

Il répondit aux jolies commères :

— Mes chéries, vous êtes adorables, et nulle part, je n’en disconviens pas, je ne trouverai autant d’amitiés qu’ici. Ce serait avec le plus grand plaisir que je me plongerais dans les délices de Capharnaüm. Cependant, je me dois à ma mission, mes agneaux. Il faut que j’aille porter ailleurs mes petits talents de société. Ainsi, excusez-moi.

La volonté de Jésus était bien arrêtée.

Aucune cajolerie ne put le fléchir.

Les soupeuses capharnautes, pas bêtes, auraient bien voulu garder le beau sorcier auprès d’elles. Sa présence dans la ville et le bruit de ses guérisons prodigieuses n’auraient pas manqué d’attirer des multitudes d’étrangers, et la cité serait promptement devenue la reine des stations de plaisir du lac de Tibériade.

Jésus, installé à Capharnaüm, c’était l’avenir de la ville ; tous les habitants le comprenaient bien ainsi. Les hommes entrevoyaient une perspective brillante de fructueuses affaires ; les