Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
LA VIE DE JÉSUS

ami, si vous êtes muet et, qui plus est, aveugle (adoptons la version de saint Matthieu), c’est tout simplement parce que vous avez un diable qui s’est logé en vous. Au lieu de guérir votre mutisme et votre cécité, je vais faire sortir le diable de votre corps, et alors vous verrez et vous parlerez.

Possédé ou non, l’aveugle-muet tenait surtout à recouvrer la vue et à pouvoir faire usage de sa langue ; aussi ne protesta-t-il par aucun geste contre les assertions du rebouteur. Il lui tardait que celui-ci se mît à l’œuvre.

— Démon, qui t’es approprié comme domicile le corps de cet homme, cria Jésus, sors, je te l’ordonne !

Vous ne doutez pas, n’est-ce pas ? amis lecteurs, que le diable s’empressa d’obéir à cette injonction. Il sortit, toujours en poussant un grand cri, pour ne pas rompre avec l’habitude. Aussitôt, le sujet ouvrit les yeux et se mit à raconter un tas d’histoires mirobolantes, afin de démontrer que sa langue fonctionnait bien.

Ce miracle, comme bien l’on pense, ravit d’admiration la multitude qui était là. Néanmoins, deux ou trois écrivains publics (nommés scribes), qui avaient été envoyés de Jérusalem par les pharisiens, dirent avec une grimace :

— Bonnes gens que vous êtes, vous admirez les prodiges de cet homme, quand vous devriez au contraire lui faire un mauvais parti. Comment pourrait-il chasser les simples démons, s’il n’avait pas un pacte avec Beelzébuth, prince des diables ?

L’insinuation des scribes était adroite ; comme perfidie, c’était une trouvaille.

Jésus vit immédiatement le danger de cette attaque, et il riposta :

— Vous êtes encore naïfs, vous autres ! Vous croyez le diable bien bête !… Quoi ! il me prêterait son concours pour chasser ses diablotins du corps des possédés ?… Ce serait une belle besogne qu’il me ferait faire là… Quand une maison a ses murs divisés, ne se prêtant aucun appui les uns aux autres, il est impossible que cette maison subsiste… Le diable, de son côté, ne peut pas, à peine de voir son empire s’écrouler, permettre que les pouvoirs des démons soient en lutte les uns contre les autres.

L’argumentation était juste. Du reste, le peuple tenait bon pour Jésus. Les scribes rabattirent leurs coiffes et disparurent au milieu des huées et des sifflets de la foule.

Profitant de la circonstance, le Verbe adressa à la multitude un speech, dans lequel il s’exprima par parabole, selon sa coutume.

Il raconta l’histoire d’un monsieur qui avait un champ et qui y avait semé du bon grain ; mais voilà que pendant la nuit un de ses ennemis vint dans le champ et y sema du mauvais grain. Le bon grain et le mauvais grain poussèrent donc