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LA VIE DE JÉSUS

ensemble ; malheureusement le mauvais grain donnait de l’ivraie qui étouffait le blé. Pour pouvoir récolter du bon blé, le monsieur fut donc obligé d’arracher toute l’ivraie de son champ, travail bien fatigant et bien ennuyeux, qu’il aurait pu s’éviter s’il avait empêché son ennemi de venir la nuit semer du mauvais grain.

La signification de cet apologue, tiré des fables orientales, était facile à saisir :

— Ce que je vous dis, c’est le bon grain, et il faut me croire sur parole ; mais il faut surtout ne pas écouter ceux qui viendront me discréditer à vos yeux, car leurs paroles, à eux, sont l’ivraie. De sorte que, si vous écoutiez mes ennemis, vous arriveriez, sans y prendre garde, à ne plus me croire, l’ivraie réussissant fatalement à étouffer le bon grain.

On voit tout le parti que les prêtres tirent de cette parabole qu’ils ont placée dans la bouche de leur dieu.

La logique a créé ce proverbe : « Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. » Par conséquent, pour se faire honnêtement une conviction sur le culte, le dogme, le clergé, il faut lire et entendre aussi bien les critiques que les apologies.

Eux, les prêtres, ont remplacé le proverbe de la logique par la fable de l’ivraie et du bon grain. — Gardez-vous bien, jeunes et vieilles ouailles, de lire des ouvrages anti-cléricaux ou d’entendre des conférences de libres-penseurs. On vous a élevées dès le berceau dans la croyance à l’absurde et dans la confiance au vice ; cette croyance et cette confiance, vous ne les conserverez qu’à la condition de fuir tout ce qui pourrait les combattre. — Comme procédé de prosélytisme, ce n’est pas honnête ; mais que deviendrait la religion, si elle prenait à son service l’honnêteté ?

Les apôtres et la foule savourèrent la parabole.

Dans les rangs les plus éloignés de la multitude, les parents de Jésus se disaient que le moment était mal choisi pour s’emparer du bonhomme. Il était à prévoir que les assistants ne laisseraient pas s’accomplir un enlèvement de cette sorte.

Ils adoptèrent donc le projet d’employer la ruse pour amener l’Oint à l’écart. Ils demandèrent à lui parler.

Un homme du peuple se chargea de la commission et dit à Jésus :

— Il y a là votre mère, vos frères, vos sœurs et tous vos parents, qui sont venus exprès de Nazareth pour avoir le plaisir de vous embrasser.

— Je me moque bien de tout ce monde-là, répondit le Christ ; ils sont venus de Nazareth, qu’ils y retournent.

— Mais, Rabbi, c’est votre famille qui vous réclame ; il y a votre mère, vous dis-je !

— Et moi, je vous déclare que je m’en bats l’œil !

La foule s’était un peu écartée ; Marie, les frères et les autres parents de Jésus avaient pu faire quelques pas. Le Verbe les