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Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/181

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LA VIE DE JÉSUS

les bastingages et causaient entre eux tout en prenant le frais.

— Notre maître, disait l’un, est vraiment le modèle du sans-gêne. Il nous a emmenés sur ce bateau, et nous n’avons pas le sou. Je me demande quelle tête nous allons faire, quand le patron, une fois en vue de Gergésa, va nous réclamer le prix de notre passage.

— Tu es bien bon de t’inquiéter, répliqua Simon-Caillou. On voit bien, mon pauvre Thaddée, qu’il n’y a pas longtemps que tu es enrôlé dans notre bande. Quand le patron du bateau nous réclamera le prix du transport comme aux autres passagers, nous retournerons nos poches pour bien montrer qu’elles sont vides, et Jésus lui dira une belle parabole pour le payer de sa peine.

— Avec ça que le bonhomme s’en contentera ! Ces marins ne m’ont pas l’air accommodants. Je doute fort qu’ils acceptent une telle monnaie.

Soudain, de gros nuages noirs parurent à l’horizon ; un vent violent s’éleva, et la barque fut secouée de la belle façon.

— Diable ! disaient les matelots, voilà un grain qui va nous donner du fil à retordre.

Le patron commanda d’enlever les voiles, ce qui fut fait ; mais la tempête se déchaînait, furieuse, et le bâtiment ne pouvait lutter contre elle.

Le petit Jean, en sa qualité de disciple prédilectionné, était allé s’endormir auprès de Jésus, dont il utilisait la poitrine en guise d’oreiller. Le maître lui permettait ces familiarités-là. Jean fut éveillé par la bourrasque ; mais le Verbe, qui avait le sommeil dur, ronflait de plus belle.

Cependant, la situation n’était pas réjouissante. Les vagues ballottaient le navire ; le timonier avait toutes les peines du monde à maintenir le gouvernail ; le patron s’époumonnait à donner des ordres. Pour comble de déveine, une voie d’eau se déclara. Le patron alors de requérir les passagers pour aider aux matelots qui ne suffisaient plus à la besogne. On mit la pompe en jeu. Malheureusement, il entrait plus d’eau qu’on n’en jetait, et il était facile de prévoir le moment où la barque serait engloutie.

Et Jésus ronflait toujours.

Lors, les apôtres, épouvantés, se précipitèrent vers lui et le tirèrent par les bras.

Jésus bâilla, s’étira et s’enquit du motif pour lequel on venait interrompre son somme.

— Qu’avez-vous donc ? demanda-t-il en esquissant une grimace étonnée. Je dormais si bien !

— C’est que, maître, nous périssons ; le bateau va faire naufrage. Sauvez-nous ! sauvez-nous !

— C’est pour cela que vous me dérangez ?… Franchement, vous n’êtes pas gentils !…