Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
LA VIE DE JÉSUS

Le tétrarque regrettait amèrement d’avoir répété à sa femme tous les potins de Baptiste. Pour n’avoir pas su cacher les intempérances de langage de son prisonnier, il était maintenant dans l’obligation de le défendre contre les fureurs d’Hérodiade.

Celle-ci était poursuivie par une idée fixe :

— Puisque ce sacré Baptiste, pensait-elle, persiste à fourrer son nez dans nos affaires, il faut que je le lui fasse couper.

De couper le nez à Baptiste à couper sa tête, il n’y avait qu’un pas ; ce pas fut promptement franchi.

Voici dans quelles circonstances :

Le roi Hérode, qui n’avait pour prénom aucun nom de saint (les saints du calendrier n’étaient pas inventés à cette époque), célébrait sa fête au jour anniversaire de sa naissance, suivant la coutume des Romains.

Cette année, il la célébra à Machéronte.

Il offrit un festin à ses courtisans, aux officiers et aux nobles de la Galilée. Tout ce que nous savons de la richesse des Hérodes, de leur profusion, de leur faste, donne lieu de croire que l’appareil de la fête et de la table fut au-delà de ce qu’on peut décrire. Hérodiade, pas bête, qui connaissait les côtés faibles de son oncle et mari, avait ordonnancé les plaisirs.

Antipas avait commandé la bombance ; il s’était chargé de la partie matérielle du repas. La reine, elle, avait simplement dit :

— Je fais mon affaire du ballet qui terminera la soirée.

Tout un piège était caché derrière ce ballet. Vous allez voir le truc.

On procéda par ordre. On dîna copieusement et l’on but royalement. Puis, les derniers flacons vidés, on passa au grand salon bleu qui avait été aménagé pour la circonstance : au fond, une estrade destinée aux danseuses. Hérode, amateur fou des danses voluptueuses importées d’Italie, avait pris place au premier rang des fauteuils.

Le ballet commença. Les danseuses, toutes jolies à croquer, avaient été choisies parmi les plus alertes disciples de Terpsichore. À leur tête était Salomé, qui levait la jambe comme pas une ; cette Salomé était la fille même d’Hérodiade, issue de son premier mariage.

La charmante enfant dansa à la satisfaction générale. Les bouquets pleuvaient sur l’estrade. Hérode était enthousiasmé.

— Jarnombille ! s’écria-t-il, quelle grâce ! Je n’ai jamais vu d’entrechats si bien exécutés ! Pour le plaisir que j’ai eu, je donnerai à l’adorable danseuse, j’en fais le serment, tout ce qu’elle voudra, quand ce serait la moitié de mon royaume !

— Je vous prends au mot, beau-papa, fit Salomé.

— Je ne m’en dédis pas, répliqua Hérode Antipas.

Salomé courut vers sa mère et lui dit à l’oreille :

— Maman, que faut-il demander ?