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Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/223

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LA VIE DE JÉSUS

la fête l’attirait, mais il avait de vilains pressentiments ; aussi, selon l’expression de l’évangéliste, affermit-il son visage.

Le voyage ne fut pas gai, s’il faut en croire l’Écriture sainte. Les Samaritains, jaloux de Jérusalem, voyaient d’un mauvais œil les touristes qui dirigeaient leurs pas vers la cité de Salomon. Toutes les portes se fermaient devant Jésus et ses disciples. On leur refusa abri et nourriture. Jacques était furieux.

— Seigneur, dit-il, ces paroissiens-là sont des malotrus. Voulez-vous que nous disions au feu du ciel de descendre et de les consumer, comme Élie l’a fait ?

— Ne nous amusons pas à ce jeu-là, répondit Jésus. Allons ailleurs.

Ils poursuivirent leur route. En chemin, ils firent la rencontre d’un scribe. Le gaillard, ayant entendu parler des miracles de l’Oint, pensa que s’enrôler dans sa bande était une bonne affaire, qu’avec lui on devait avoir de l’or à gogo et mener une vie charmante. Ce scribe s’exagérait les avantages de l’existence des apôtres ; il ignorait que ce vagabondage continuel avait des hauts et des bas, que grâce à la Magdeleine et d’autres gadoues on faisait parfois bonne chère, mais que, dans bien des circonstances, on n’avait rien à se mettre sous la dent. Tel était le cas actuel.

Jésus dit au scribe :

— Mon ami, vous vous mettez le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Les renards ont leurs trous, les oiseaux ont leurs nids ; mais le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête.

L’idée de suivre un patron sans asile était peu tentante. Le scribe n’insista pas et s’éloigna.

Enfin, après bien des anicroches, Jésus parvint à Jérusalem. Sa renommée l’y avait précédé. On causait de lui ; mais les avis étaient partagés.

Quelques-uns le soutenaient timidement : « C’est un homme de bien », insinuaient-ils. « Non, il trompe le peuple », répondaient les autres, plus nombreux.

Jésus se tint coi les premiers jours de la fête ; mais bientôt, ne pouvant résister plus longtemps à son envie de démontrer sa science théologique, il monta au Temple, s’assit dans une des plus modestes salles qui entouraient le parvis, et là, il débita ses boniments.

Les principaux chefs du peuple furent d’abord stupéfaits d’un pareil aplomb. Ils le croyaient à cent lieues. Lorsqu’ils furent revenus de leur surprise, ils l’interpellèrent et lui demandèrent de quel droit il se mêlait d’interpréter la Bible, lui qui n’avait fait aucune étude de cela.

Notre Oint eut un léger trac, et, dans le but d’intéresser à lui la multitude, il dit au prince des prêtres :

— Pourquoi cherchez-vous à me tuer ?

Un silence général accueillit cette sortie mal avisée. On crut qu’il extravaguait.