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LA VIE DE JÉSUS

— Vous avez la berlue, fit alors quelqu’un ; c’est le diable qui est en vous, qui vous pousse à dire des bêtises. Qui est-ce qui cherche à vous tuer ? On s’en soucie bien, vraiment ! Jésus, de se rebiffer, et de narrer son miracle de la piscine de Bethesda.

Il était là sur un bon terrain ; car l’affaire avait eu un certain retentissement à Jérusalem.

La majorité de la foule se prononça en sa faveur, et ce miracle, rappelé adroitement, lui rendit un réel service ; les sanhédrites n’osèrent l’arrêter, malgré leur désir de s’emparer de sa personne. Ils se retirèrent et donnèrent sournoisement l’ordre à des gardes du Temple de le pincer, dès qu’il serait seul, et de le mettre à l’ombre.

Cet ordre ne put cependant pas être exécuté. Les gardes, s’étant mêlés à la multitude, éprouvèrent son influence. Ils écoutèrent Jésus parler, et, comme celui-ci, sentant le danger qui le menaçait, ne prononça dès lors que des discours flatteurs pour le peuple, ils furent, sans s’en douter, gagnés au divin bavard.

Quand le soir ils revinrent au Sanhédrin rendre compte de leur mission, les princes des prêtres leur reprochèrent en termes courroucés de n’avoir pas su séparer l’Oint de la foule pour le coffrer sans esclandre.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? dirent-ils.

Le capitaine des gardes balbutia ; lui aussi, il s’était laissé subjuguer par la parole du Verbe.

— Cela est facile de donner des ordres, murmura-t-il ; autre histoire est de les exécuter. Que voulez-vous ? cet homme a la langue fièrement bien pendue, il blague comme pas un ; il nous a tous ravis.

— Vous vous êtes donc laissé séduire comme la vile populace ! clamèrent les sanhédrites avec irritation. Vous n’êtes que des imbéciles. Voyez si les magistrats et les pharisiens se laissent entortiller par lui : il n’est pas un israélite ayant reçu quelque instruction qui ajoute foi à ses sornettes. C’est bon pour la plèbe qui ne connaît pas le premier mot de la Bible. Nous vous avions cru plus malins !

Le capitaine et les gardes étaient confus. Ils promirent qu’à la prochaine occasion ils accompliraient mieux leur devoir et que le Christ ne les embobinerait plus.

Un membre du grand conseil, qui n’était autre que Nicodème, incapable, nous le savons, de faire du mal à une mouche, essaya de réagir contre ses collègues. Il ne croyait pas à la divinité de Jésus ; mais il n’aurait pas voulu qu’on causât du désagrément à celui qu’il considérait comme simplement toqué.

Il hasarda donc quelques mots en faveur de l’Oint.

— J’admets, insinua-t-il, que cet homme offre peut-être du danger avec les divagations qu’on lui attribue : mais il me semble qu’il n’y a pas là un motif suffisant pour légitimer un ordre