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LA VIE DE JÉSUS

Une fois remis en présence de cette coupe désagréable, le dieu-homme recommença ses façons et ses grimaces.

— Oh ! la la, quelle corvée !… Si j’avais su ce qui m’attendait en m’incarnant dans le sein de ma maman vierge, je n’aurais jamais commis cette sottise… J’entrevois l’avenir ; les humains ne me sauront aucun gré de mon sacrifice… Ô mon père, mon père, épargnez-moi ce breuvage horrible !

Mais l’ange était là, tenant à la main la fatale coupe.

— Bois donc, Jésus, bois ! Puisqu’il te faut en passer par là, plus tôt cela sera fini, mieux cela vaudra. On ne meurt qu’une fois, après tout.

— Oui, bel ange, c’est pour me dorer la pilule que tu me dis cela ; tu n’en penses pas un traître mot.

Et le frisson le secouait. Enfin, il reprit un peu de courage.

— Ô mon père ! clama-t-il, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite !

Il lampa encore une forte gorgée, de façon à ne laisser au fond du calice que la lie de la liqueur amère.

Quand il revint auprès de ses disciples, ils étaient aussi endormis que la première fois. Il lui fallut de nouveau les réveiller et leur faire honte de leur conduite. « Ils ne surent que lui répondre », dit l’évangéliste Marc.

Jésus s’éloigna pour la troisième fois. L’ange était toujours là, exigeant que le fils du pigeon bût le calice jusqu’à la lie. Pour le coup, c’était trop mauvais. L’ange découvrit à Jésus toutes les avanies auxquelles il allait être exposé, et celui-ci déclara que de les supporter serait au-dessus de ses forces. Il tomba en pâmoison ni plus ni moins qu’une jolie femme qui a ses nerfs ; il fit le saut de carpe durant un bon quart d’heure.

— C’est trop, c’est trop, ô mon père ! hurlait-il en se tordant.

Et il fut comme un malade que l’agonie prend à la gorge.

« Il lui vint, dit l’évangéliste Luc, une sueur de gouttes de sang qui tombaient à terre. »

L’ange était impitoyable.

— Liche tout ! dit-il, en l’obligeant à ingurgiter la lie du breuvage amer.

Enfin, papa Sabaoth eut pitié de monsieur son fils. Quand il ne resta plus une goutte au fond du calice, il envoya une inspiration à l’ange.

Jésus était anéanti.

L’ange lui glissa ces mots dans le tuyau de l’oreille :

— Que t’es bête de te faire tant de mauvais sang pour quelques horions que tu vas recevoir !… Si tu étais un simple particulier, évidemment rien ne serait plus désagréable… mais tu es dieu… L’as-tu déjà oublié ? Tu ne souffriras donc qu’autant que tu voudras… Et même, si cela peut arranger les choses, tu pourras, tout en ayant l’air de souffrir, ne rien souffrir du tout.

Jésus, cette fois, se releva triomphant. Il remercia l’ange de