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LA VIE DE JÉSUS

la brune Marie nous donne un garçon, tout va bien ; mais si le Messie que mon Saint-Esprit s’est offert le plaisir d’engendrer appartient au beau sexe, comment vais-je me tirer de là ? »

Au fait, si Jésus avait été une fille, le genre humain se serait peut-être plus facilement laissé convertir.

Quoi qu’il en soit, papa bon Dieu a dû faire part de ses réflexions à monsieur le Saint-Esprit ; il a sans doute longuement exposé ses transes, fait ressortir combien la naissance d’une fille dérangerait tous ses plans, et conclu qu’un Christ femelle serait difficile à crucifier, vu la galanterie reconnue des soldats, même romains.

Mais le pigeon, qui est le personnage spirituel de la Trinité, n’a certainement pas manqué de répondre :

— Père Sabaoth, vous n’y songez pas ! Il est impossible que le Messie soit une fille, puisqu’il existe depuis avant sa naissance, depuis aussi longtemps que nous. Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu, vie de vie, lumière de lumière, flambeau de flambeau. Par conséquent, puisque votre Fils, dont c’est moi qui suis le Père, est aussi vieux que vous et moi, nous sommes sûrs de son sexe, qui est le sexe masculin, et nous n’avons à nous faire aucune bile.

À ce discours débité tout d’un trait, Jéhovah, sans aucun doute, n’a rien trouvé à répliquer, si ce n’est peut-être ceci :

— Saint-Esprit, ton langage est aussi beau que ton plumage. Tu es un phénix !

Quant à Marion, qui n’avait pas le pigeon sous la main dans l’étable de Bethléem, elle n’a su à quoi s’en tenir qu’une fois l’enfantement complètement terminé.

Dès cet instant, Joseph est heureux : il a son Messie, il le tient, il l’enveloppe de chiffons, il lui fait risette ; c’est lui, et personne autre, qui passera pour le papa. Quelle gloire !

Sans compter que Joseph, qui est destiné à marcher d’épatements en épatements, n’en a pas fini avec les surprises : elles ne font que commencer.

D’abord c’est une procession de bergers qui descendent de toutes les collines des environs pour venir adorer son fils.

Des bergers ! allez-vous me dire, des bergers qui flânent sur les collines en plein hiver ! — car la scène se passe au 25 décembre.

Oui, monsieur, oui, madame, des bergers en chair et en os, des bergers qui faisaient paître leurs troupeaux à minuit, au beau milieu de la neige.

Cela vous étonne ? Il en est pourtant ainsi, puisque l’Église nous en donne sa parole d’honneur.

Ces bergers étaient installés sur les collines de Bethléem ; ils gardaient leurs moutons. Tout à coup, une grande lumière les environna. Le firmament s’entr’ouvrit et laissa pleuvoir des anges en masse, qui, embouchant leurs trompettes, se mirent à