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LA VIE DE JÉSUS

Joseph, pour sa part, était très fier de l’honneur insigne qui allait lui échoir. Être le père en titre, sinon de fait, d’un Messie, n’était pas une mince bagatelle ! Il s’institua donc, avec joie, papa légal du moutard qui allait naître ; il entoura Marion des plus tendres soins.

Sur ces entrefaites, survint un édit de César-Auguste qui ordonnait le dénombrement de tous les sujets de l’empire romain. La Judée faisait partie de ce puissant empire ; elle était administrée par des délégués de César, parmi lesquels il faut compter le tétrarque Hérode, que nous avons nommé précédemment.

L’édit de l’empereur prescrivait que le recensement se fît, non au lieu d’origine ou de domicile de chaque recensé, mais à l’endroit d’où provenait sa famille ou sa tribu. Ainsi, Joseph, qui appartenait à la race de David, issue de Bethléem, dut aller se faire inscrire à Bethléem.

Le voyage qu’il s’agissait d’accomplir pour ce motif tombait fort mal. Marie était arrivée au terme de sa grossesse, quand il fallut quitter Nazareth.

À peine parvenue à destination, la pauvre jeune femme fut prise des douleurs de l’enfantement. On s’adressa aux auberges du village ; toutes étaient bondées de voyageurs et refusèrent l’hospitalité au ménage Joseph.

Dans ces conditions, que faire ? — On chercha asile n’importe où, on entra dans la première écurie venue, et ce fut sur la paille qui servait de litière aux bêtes, loin de toute assistance, par une froide nuit d’hiver, par un temps de neige, que Marion mit au monde notre héros. Piteuse naissance pour un dieu !

Toutefois, ne nous attristons pas sur cette aventure plus grotesque que réellement lamentable. Plaignons les pauvres gens à qui ces malheurs surviennent ; mais n’oublions pas que cet accouchement misérable de Jésus était prévu et voulu par lui, que rien ne l’obligeait à naître dans une écurie, et que c’est par un effet de son bon plaisir que les témoins de ses premiers vagissements furent un bœuf et un âne. Gardons donc notre compassion pour les infortunes plus sérieuses des humains en butte à une guigne imméritée.

Je profiterai seulement de l’occasion pour émettre une petite idée qui me turlupine chaque fois que je pense à la naissance de Jésus-Christ.

Joseph avait accepté, à propos de la grossesse de Marie, l’explication que lui avait donnée un ange en songe. Très bien. L’idée qu’il allait avoir dans sa famille le Messie avait calmé sa susceptibilité. Plus que très bien. Mais si, au moment de l’accouchement de la Vierge, le Messie avait été une fille, je me demande et je vous demande quelle tête aurait fait Joseph ?

Je me figure même qu’à cet instant suprême le Père Éternel ne devait pas être exempt d’une certaine inquiétude. Je le vois, assis sur un nuage, comptant les secondes, et se disant : « Si