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LA VIE DE JÉSUS

— Qu’est-ce que cela ? tu te révoltes contre l’autorité ? Mais je ne saurais le souffrir !… Est-ce que cela te regarde, ce qui se passe ici ?… Allons, remets ton sabre au fourreau, et vivement !… Celui qui se sert de l’épée périra par l’épée.

Pierre dut trouver la leçon tout à fait hors de propos. Il avait fait du zèle. Il avait donné aux apôtres l’exemple du courage, et, à titre de récompense, on le tançait vertement. C’était à n’y rien comprendre. Il remit son épée au fourreau, puisque le patron l’exigeait ; mais, en lui-même, il dut se dire :

— Dévouez-vous donc pour cet animal-là !… Si à présent on m’y repince, il fera chaud… Au fait, je suis bien bon… Qu’il se débrouille comme il pourra, que diable !

Si Pierre ne fit pas ces réflexions tout haut, du moins marmonna-t-il dans son coin ; car Jésus, pour mettre un terme à ses murmures, reprit :

— Je me suis offert à être tarabusté ; crois-tu que je le serais, si cela ne me convenait pas ? crois-tu que, si j’en priais mon père, il ne m’enverrait pas à l’instant même plus de douze légions d’anges pour me défendre ?… Seulement, voilà ! si j’anéantissais ces soldats, comme je pourrais le faire, les Écritures ne s’accompliraient point ; or, il faut qu’elles s’accomplissent.

Cette fois, Pierre se promit de ne plus laisser échapper une syllabe de protestation, de ne plus remuer seulement le bout du petit doigt.

Les soldats, aussi, apprenant que, de l’aveu même de l’individu étrange qu’ils avaient à saisir, sa capture était chose parfaitement régulière, n’éprouvèrent plus aucun scrupule. Ils se jetèrent sur lui, et, au moyen de cordes, lui lièrent solidement les mains.

Dans ce mouvement, ils démasquèrent un groupe de familiers du Sanhédrin qui les avaient accompagnés.

Jésus les reconnut, et, s’adressant à eux :

— Quoi ! s’écria-t-il, vous êtes venus à moi pour me prendre comme si j’étais un voleur ! Il vous a fallu des épées et des bâtons. Pourtant, je me suis trouvé souventes fois au milieu de vous ; ai-je assez fait de discours dans les temples ! et vous ne m’ayez rien dit ! et vous ne m’avez pas arrêté ! Eh bien ! je vous répète ce que je viens de dire tantôt à Pierre : cela prouve que les prophéties ne seraient que de la rave cuite, si ce qui arrive à présent ne se passait point ainsi.

Naturellement, les familiers du Temple furent vexés d’entendre ce langage, et ils poussèrent des cris contre Jésus. En présence de cette hostilité, les apôtres se consultèrent :

— C’est le moment de nous montrer, hein ?

— Oui.

— Alors, cachons-nous !

Et ils prirent tous de la poudre d’escampette avec un ensemble remarquable.