Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
316
LA VIE DE JÉSUS

tir en trois jours le Temple, si on venait à le détruire. Est-il vrai que tu as dit cela ?

Jésus continua à garder le silence.

— Mais si tu as dit cela, reprit le grand-prêtre, c’est que tu te donnes comme possédant un pouvoir surnaturel. Pour accomplir le miracle dont il est question, il faudrait être Dieu lui-même ou tout au moins son fils… Eh bien, je t’adjure, au nom du Dieu vivant, de nous dire si tu es réellement le fils de Dieu !

— Je le suis ! répondit l’Oint.

Ce fut une explosion de murmures dans toute la salle. Le grand-prêtre et le Sanhédrin étaient outrés. Et cela se conçoit. Aucun des assistants ne connaissait l’histoire du pigeon ; on ne savait, à Jésus d’autre père que le charpentier Joseph. À la vérité, Joseph avait eu, sa vie durant, une réputation de parfait cocu ; mais il n’était venu à l’idée de personne que c’était un volatile qui lui en avait fait porter. Si Jésus s’était expliqué, au moins aurait-on su à quoi s’en tenir. Non, il préféra ne pas raconter comment le pigeon, qui était Dieu autant que Sabaoth, avait fécondé la petite Marie tout en la laissant vierge, et comment lui, Jésus, était ainsi le fils de Dieu. Il ne dit rien de tout cela et se contenta d’affirmer, ce qui parut exorbitant au public de l’audience.

Caïphe, pour son compte, était furieux.

— Avez-vous entendu le blasphème ? hurlait le grand-prêtre. Non, mais là, vrai, l’avez-vous entendu ?… C’est abominable ! Oh ! malheur !…

Et là-dessus, outré de colère, Caïphe déchira ses vêtements. Les femmes, qui étaient dans la salle, détournèrent la tête pudiquement, afin de ne pas voir les fesses plus ou moins charnues que M. le curé mettait ainsi à découvert.

Cependant, Caïphe, une fois le premier moment de sainte colère passé, se drapa tant bien que mal dans les lambeaux de son habit, regrettant peut-être son accès de mauvaise humeur dont son tailleur serait seul à bénéficier, et, se tournant vers l’assistance, il dit :

— Je crois qu’à présent nous n’avons plus besoin de témoins. Vous avez tous entendu le blasphème. Que vous en semble ?

Et tous de s’écrier :

— Il est digne de mort.

C’était une punition sévère pour bien peu de chose. À mon humble avis, l’affirmation de Jésus, même en admettant qu’elle fût un blasphème, ne méritait pas la peine capitale. À la place de Caïphe, j’aurais tout uniment condamné le Christ à recevoir une douche, afin de lui rafraîchir un peu les idées, et je crois que tous mes lecteurs pensent comme moi.

Mais voilà ! nous autres, libres-penseurs, nous sommes beaucoup plus tolérants que les gens de religion. Les dévots juifs ne