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LA VIE DE JÉSUS

— Non, non, crièrent tous les curés de Jérusalem, nous ne l’entendons pas ainsi ; d’après nos lois, il doit être mis à mort ; il faut qu’il meure !

Le procurateur eut alors une idée qui prouve bien ses sentiments d’humanité. Il se souvint fort à propos qu’aux époques de la Pâque les représentants de Rome, pour marquer leur clémence, avaient coutume de rendre la liberté à un prisonnier.

Il envoya quérir au fond de la prison le criminel le plus abominable qui se trouvait à ce moment sous les verroux. C’était un nommé Barabbas, qui avait accompli tous les forfaits possibles et impossibles.

Voilà quel était le plan de Pilate :

— Je vais montrer à la foule, pensa-t-il, Jésus et Barabbas, et je demanderai : « Qui voulez-vous que je délivre ? » Les prêtres en veulent à Jésus ; mais, dans le peuple, on doit avoir une plus grande horreur de Barabbas. En outre, puisque tout Jérusalem se presse à cette heure autour de mon palais, si ce Jésus a réellement opéré d’innombrables guérisons, comme le racontent ses disciples, tous les anciens boiteux, borgnes, aveugles, lépreux et paralytiques qu’il a guéris, vont lui faire un véritable triomphe.

L’idée était superbe.

Mais, — hélas ! hélas ! hélas ! — Pilate comptait sans l’ingratitude humaine. Il ne se doutait pas que les ex-boiteux, ex-borgnes ; ex-culs-de-jatte, etc., seraient les premiers à réclamer la mort de leur guérisseur ou tout au moins feraient chorus avec les ennemis de Jésus.

Il n’y eut qu’un cri dans tout le peuple, quand Pilate lui présenta à la fois Jésus et Barabbas :

— Délivrez Barabbas ! crucifiez Jésus !

L’expérience était concluante. En vain, la femme de Pilate, Mme Claudia Procula, qui s’intéressait au fils du pigeon, envoya-t-elle un message au procurateur pour lui dire : « — Ne vous mêlez pas de cette affaire ; j’ai eu cette nuit un cauchemar affreux à cause de ce Jésus, et c’est mauvais signe. » — Pilate pensa que, en présence d’une manifestation aussi unanime et aussi décisive, il n’avait plus à hésiter.

Il fit dégager Barabbas de ses chaînes, déclara aux Juifs qu’il les autorisait à traiter Jésus comme il leur plairait, et, pour bien démontrer qu’il s’en lavait les mains, il fit apporter un pot-à-l’eau et une cuvette et joignit l’action à la parole.

Pendant ce temps, les soldats fouettaient Jésus, à la grande joie du peuple. Des docteurs du catholicisme, pour attendrir les masses, parlent d’une flagellation horrible : Jésus, dépouillé de ses vêtements, mis nu jusqu’à la ceinture, attaché à une colonne, déchiré à coups de corde, de verges et de nerfs de bœuf. On pourrait leur répondre que les tortures de l’Inquisition ont été bien autrement épouvantables que la flagellation du Christ, à qui on n’a arraché aucun membre, dont on n’a pas broyé les os