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LA VIE DE JÉSUS

Cet infortuné créateur du ciel et de la terre était tellement abattu, que les gardes durent le porter (Marc, XV, 22) jusqu’au Calvaire.

En route, il rencontra une bande de femmes qui, voyant son piteux état, se mirent à pleurer. Cet incident n’est rapporté que par saint Luc. D’après les trois autres évangélistes, au contraire, pas une voix ne s’éleva de la foule, durant tout le trajet, pour compatir aux souffrances de l’Oint.

Donc, s’il faut en croire saint Luc, quelques femmes versèrent des larmes ; mais Jésus, retrouvant tout à coup la parole, se tourna vers elles et leur dit :

— Ne pleurez pas sur moi, filles de Jérusalem ; mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. Dans peu de temps, en effet, tout le monde dira : Heureuses les femmes stériles ! heureuses les entrailles qui n’ont pas enfanté ! heureuses les mamelles qui n’ont pas nourri ! Dans peu de temps, les hommes crieront aux montagnes : Tombez sur nous ! et aux collines : Couvrez-nous ! Et la raison de cela est que, puisque les hommes traitent ainsi le bois vert, on est en droit de se demander : Que sera-t-il fait au bois sec ? (Textuel.)

À cette anecdote de l’évangile de Luc, l’Église a ajouté une autre légende, qui ne se trouve nulle part dans les textes dits sacrés, lesquels sont déjà passablement apocryphes.

Les prêtres racontent la scène suivante :

Une des femmes qui pleuraient se nommait Véronique. Elle remarqua que Jésus était tout en sueur, et, craignant sans doute qu’il prît mal, elle s’approcha de lui et lui placarda sur la figure son mouchoir, histoire de lui essuyer le visage.

Ô miracle ! l’empreinte des traits de Jésus resta sur le mouchoir. Ce fut comme une photographie instantanée qui reproduisit, même avec couleurs, la binette du condamné.

Et remarquez comme les soldats, comme le peuple juif étaient coupables. Ce prodige ne leur fit pas comprendre que leur victime était réellement un dieu. Ah ! quand le parti-pris s’en mêle, il n’a plus de limites. Les pires sourds sont ceux qui ne veulent pas entendre, les pires aveugles sont ceux qui ne veulent pas voir.

Le mouchoir de Véronique ne s’est pas perdu, comme bien l’on pense. Il a eu beau passer par mille lessives, jamais l’empreinte des traits de Jésus ne s’est effacée. Les prêtres de Rome possèdent à cette heure encore cette précieuse relique : elle figure dans le trésor de l’église Saint-Pierre, et l’on n’est admis à la contempler qu’après avoir convenablement graissé la patte aux sacristains du pape.

Les esprits forts, qui ont fait leurs études de grec, disent que la bonne femme répondant au nom de Véronique, et canonisée en l’honneur de sa belle action, pourrait bien n’avoir jamais existé, vu que l’étymologie du mot Véronique est vera-iconicon, dont la signification « vraie-image » s’applique plutôt au mouchoir