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Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/336

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LA VIE DE JÉSUS

de l’église Saint-Pierre qu’à une personne en chair et en os. Mais alors, s’il n’y a que le mouchoir qui soit « véronique », adieu la légende de la bonne femme !

Enfin, que le visage de Jésus ait été essuyé ou non avec un mouchoir, le cortège des trois condamnés atteignit le sommet du Golgotha.

Le Christ, à ce moment-là, était dans la prostration la plus évidente. Les soldats mêlèrent à la hâte du vin et de la myrrhe et offrirent ce breuvage au fils du pigeon. Comme goût, cela ne valait pas le moindre de nos crûs de Bourgogne, mais c’était réconfortant. En présentant le verre à Jésus, les soldats obéissaient à une pensée charitable. L’effet de la myrrhe consistait à répandre dans le corps une exaltation factice qui rendait le condamné moins sensible à la douleur.

Jésus ne voulut pas tremper ses lèvres dans la coupe qu’on lui tendait.

On l’assit donc par terre, et l’on procéda aux apprêts de l’exécution. D’abord, on fit dans le sol un trou pour chacune des trois croix ; on dressa ensuite les échelles ; après quoi, l’on coucha chaque condamné sur son poteau respectif, et on le cloua par les mains et par les pieds. Les deux filous, qui avaient toute leur connaissance, durent souffrir infiniment plus que Jésus. Mais n’importe ! même en admettant que de temps à autre le Christ ait appelé à son secours sa nature divine pour se procurer un peu de répit, il faut reconnaître que le crucifiement était une expiation par trop démesurée d’une pomme, qu’un autre que lui était coupable d’avoir mangée.

Suivant les auteurs de l’époque, dont le philologue belge Lipsius a reproduit de nombreux extraits dans son livre Traité sur la croix et le crucifiement, voici comment se pratiquait l’opération :

Le condamné était dépouillé de ses habits. On le faisait asseoir sur une sorte d’escabeau fixé au milieu de la croix ; cette pièce de bois, qui passait entre les jambes du patient, était assez forte pour le soutenir et empêcher les mains clouées de se déchirer par le poids du corps. On obligeait le condamné à étendre les bras et on fixait d’abord les mains dont le fer traversait la paume ou les poignets. Quant aux pieds, on les clouait sur un autre support qui se trouvait à quelque distance de l’escabeau. Alors, on plaçait le pied de la croix dans le trou ménagé en terre à cet effet ; on la relevait au moyen d’échelles, et on la calait solidement dans le sol.

On voit, d’après cette description, que je garantis très fidèle et qui est du reste mentionnée telle quelle dans les plus anciens pères de l’Église, que la croix mise à la mode chez les chrétiens ne ressemble pas absolument à celles dont on se servait à l’époque où les prêtres font vivre et mourir Jésus.

Le dieu infortuné et les deux filous, ses compagnons, eurent donc à subir cette désagréable opération. Les soldats romains,