Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/342

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
340
LA VIE DE JÉSUS

voilà votre fils. Et depuis cette heure-là, ajoute l’évangéliste, le disciple bien-aimé prit la mère de Jésus chez lui. « Chez lui » est un pur chef-d’œuvre ; on sait que les apôtres étaient constamment en état de vagabondage. Après quoi, Jésus cria : J’ai soif. Ce fut seulement alors, selon Jean, sur la demande du crucifié, que les soldats lui passèrent le vinaigre, et il le but. Mais il n’adressa aucun reproche à son père et ne dit nullement : Éli, Éli, lamma sabacthani. Tout au contraire, il montra une très grande résignation, baissa la tête en murmurant : Tout est accompli, consommatum est, et rendit l’esprit. Enfin, ce que Marc, Luc et Matthieu ignorent complètement, et ce que Jean seul sait, c’est que, lorsque Jésus eut rendu le dernier soupir, un soldat donna un coup de lance dans le flanc du défunt et qu’il en sortit du sang et de l’eau ; quant aux deux filous, on leur cassa les jambes (Jean, XIX, 25-37).

Alors, il s’accomplit des choses étonnantes.

Le voile du temple fut tellement impressionné par la mort de Jésus, qu’il suivit l’exemple de la culotte de Caïphe : il se déchira en deux, du haut en bas ; seulement, lui, il se déchira tout seul.

La terre, de son côté, perdit la boule. Elle eut un tremblement nerveux et se secoua pendant un temps que l’Évangile ne précise pas, mais qui dut être fort long. Elle s’entr’ouvrit même en plusieurs endroits ; le Golgotha, notamment, bâilla comme une huître au soleil, et le crâne d’Adam, qui y était enterré, ainsi que nous l’avons dit, dégringola au fond des abîmes. C’est pour ce motif qu’on n’a jamais pu l’en retirer.

Les sépulcres, qui couvraient le monde, soulevèrent d’eux-mêmes les pierres qui les recouvraient, et les morts mirent le nez à la fenêtre.

Il y eut, affirment les théologiens, une résurrection générale. Les cadavres, heureux d’être enfin sortis de leurs tombeaux, se promenèrent gaiement par les rues. Les cafés et les restaurants, ce jour-là, ne suffirent pas aux consommateurs. La population de la terre s’accrut brusquement de tous les bonshommes qui depuis des milliers d’années, avaient passé l’arme à gauche.

Je n’invente rien. C’est écrit dans saint Matthieu, c’est parole d’évangile : « Sortant de leurs tombeaux, après leur résurrection, ils vinrent dans la ville sainte, et furent vus de plusieurs personnes. »

Je te crois, Matthieu ! un spectacle comme celui-là n’était pas fait pour passer inaperçu.

Le chef des militaires qui gardaient Jésus, sentant que la terre se livrait à une polka désordonnée, s’accrocha tant bien que mal aux rochers vacillants et s’écria :

— Sapristi ! sapristi ! sapristi ! cet homme était vraiment le fils de Dieu !

Il dut ajouter (l’Évangile a oublié la conclusion de sa réflexion) :