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LA VIE DE JÉSUS

Parfois, notre maniaque recevait assez mal son monde.

Des individus qui venaient lui demander son baptême[1], croyant lui faire plaisir, étaient accueillis par cette engueulade :

— « Races de vipères, serpents nés de serpents, qui vous a avertis de fuir la colère qui doit tomber sur vous ? » (Luc, chap. III, vers. 7)

Ou bien :

— « Vous n’avez pas besoin d’être fiers, vous autres, et de dire : « Nous avons Abraham pour père » ; car, je vous le déclare, Dieu peut faire naître de ces pierres mêmes des enfants à Abraham. » (Id., vers. 8).

Les gens se regardaient, abasourdis ; il y avait de quoi.

Alors, Jean, tout satisfait de l’effet produit, ajoutait :

— « Je vous baptise dans l’eau, c’est bien peu de chose ; après moi, il en viendra un autre bien plus puissant que moi, car je ne suis pas même digne de porter ses souliers ; et celui-là vous baptisera dans le feu. (Matthieu, chap. III, verset 11.) Celui dont je vous parle, vous le reconnaîtrez au van qu’il a dans sa main : il donnera à son aire un coup de balai complet et amassera son blé dans son grenier ; mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteindra jamais. » (Id., vers. 12).

Et voilà qu’un jour, Jésus, en personne, se rendit, en suivant la foule, auprès de son cousin.

Celui-ci ne l’avait jamais vu ; mais il le reconnut tout de même.

— Qu’y a-t-il pour votre service ? demanda-t-il au Christ.

— Dame ! répondit l’autre, je fais comme tout le monde, je viens me faire baptiser.

— Est-ce pour rire que vous dites cela ? répliqua Jean. C’est moi qui dois être baptisé par vous, et c’est vous qui venez à moi ?…

— Laissez, laissez ces politesses inutiles, repartit Jésus. Pour le quart d’heure, c’est à vous qu’incombe le soin de baptiser. Baptisez-moi !

Jean pensa qu’il ne serait pas convenable d’insister. Il empoigna le fils de Marie, le plongea dans le Jourdain et lui fit subir son ablution.

Quand le Christ sortit de la rivière, secouant son corps mouillé, tout à coup les cieux s’entr’ouvrirent, un pigeon, qui pourrait bien avoir été un canard, en descendit, vint se percher sur l’épaule de Jésus, et Jean entendit le volatile prononcer d’une voix très distincte les mots suivants :

— « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection. » (Matthieu, chap. III, verset 13-17).

Malheureusement, les gens qui assistaient à cette scène n’ouïrent pas ces paroles. Sans cela, ils se seraient convertis, séance tenante, il n’y a pas à en douter. Or, le baptême de

  1. C’est ainsi qu’il appelait sa douche.