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LA VIE DE JÉSUS

Or, comme notre vagabond baptisait alors sur les frontières de l’Idumée, et que la Galilée était la région où il avait décidé de porter ses pas, il lui fallut traverser toute la Judée et ensuite la Samarie.

L’apôtre Jean, le joli garçon, s’est chargé de nous transmettre le récit de ce voyage.

Ce fut, paraît-il, sur le coup de midi, — voyez comme les souvenirs de Jean sont précis[1], — que Jésus franchit la frontière qui séparait la Samarie de la Judée.

La petite ville de Sichem apparaissait à gauche de la route, entourée de prairies et de jardins. L’Oint ne poussa pas jusque-là. Fatigué d’une longue marche, il s’arrêta à l’entrée du vallon où la ville est située et près du puits de Jacob.

Les disciples, cependant, continuèrent la route vers Sichem ; car leurs provisions étaient à bout et il s’agissait d’aller un peu marauder plus près de la cité pour se procurer de quoi manger.

Demeuré seul, Jésus chercha un abri sous la voûte du puits ; presque tous les puits, en Orient, ont une voûte et des bancs.

Il regarda s’il n’y avait pas moyen de boire : impossibilité absolue ; c’était un puits dépourvu de seau. Une corde pendait seule à une poulie. Les gens qui venaient puiser apportaient leur cruche, rattachaient à la corde, la remplissaient d’eau et s’en retournaient ainsi, leur provision faite.

Jésus était fort altéré. À moins de boire l’eau dont la corde se trouvait imbibée, il ne pouvait satisfaire sa soif.

Il allait prendre ce parti, quand il vit venir sur la route une femme portant une cruche sur son épaule. C’était une Samaritaine. Elle était jeune, alerte, jolie femme.

— Voilà mon affaire, se dit le vagabond.

Il la laissa s’approcher.

Un moment, il pensa qu’à l’aspect d’un homme, la beauté de Sichem s’effaroucherait et prendrait la fuite : en effet, les femmes orientales sont assez timides. Elles n’ont pas la coutume d’aller ainsi puiser de l’eau au milieu du jour ; défiantes à l’excès, et sachant combien ces polissons d’hommes sont entreprenants, elles ne se montrent auprès des fontaines que par bandes et au coucher du soleil. Or, celle-ci venait seulette, et même, quand elle aperçut un robuste gars assis nonchalamment sur le banc du puits, elle ne s’épouvanta pas. C’était une vertu facile, il n’y avait pas à en douter.

Elle attacha sa cruche à la corde pendante, et, une demi-minute après, la retira pleine d’eau.

— Donnez-moi à boire, fit Jésus, sans autre entrée en matière.

La Samaritaine regarda l’étranger. La civilité ne paraissait pas être la vertu capitale du monsieur. À son accent, à son costume, la belle fille comprit qu’elle avait affaire à un juif.

  1. Et dire que Jean avait plus de quatre-vingt-dix ans quand il écrivit son évangile ! Quelle mémoire !