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LES TROIS COCUS


CHAPITRE XXII

LES MAÇONNES DE L’AMOUR


Nous avons laissé tout à l’heure le curé Huluberlu annonçant à Ursule qu’il emmenait son vicaire déjeuner avec lui ; le curé de Saint-Germain-l’Empalé avait promis à Romuald de le présenter, après déjeuner, à une dame de ses amies, la très renommée marquise de Rastaquouère.

Il me faut donc raconter au lecteur ce qui s’était passé depuis cette promesse jusqu’au moment où nous avons retrouvé Huluberlu, déguisé en civil et chantant au bois de Boulogne : « Vive le mou, mou ! vive le mouton ! »

Les deux prêtres, réconciliés, avaient dévoré le fameux canard saignant aux truffes, dont il avait été question, et je n’étonnerai personne en affirmant que ledit canard fut arrosé de vins généreux et variés.

Curé et vicaire étaient notablement éméchés, quand ils se levèrent de table.

Mais, ils en avaient vu bien d’autres, et ils étaient solides sur leurs jambes, les gaillards, même lorsque leur tête était dans les brouillards de l’ivresse.

— Rastaquouère ! Rastaquouère ! répétait l’abbé Chaducul ; il me semble que je connais ce nom !…

— Possible ; la réputation de la marquise s’étend au loin.

— Ah ! j’y suis. C’est un jour en allant à l’archevêché, que j’ai rencontré cette dame… Oui, c’est bien cela… Mes souvenirs sont exacts… J’allais… Non, c’est-à-dire, je sortais… Une dame, déjà mûre, me saute au cou, et m’embrasse en s’écriant : « Excusez-moi, monsieur l’abbé ; mais ç’a été plus fort que moi ! Vous êtes tout le portrait de mon neveu ! »… Je pensai avoir affaire à quelque folle et ne songeai plus à cela. Le soir, en rentrant chez moi, lorsque j’ôtai la ceinture de ma soutane, je constatai que cette dame, dans son étreinte, avait adroitement glissé sous ma ceinture, à l’endroit le plus serré, une de ses cartes de visite… Cette carte, je l’ai gardée dans un portefeuille que malheureusement j’ai égaré, il y a deux jours.