Il y avait de quoi perdre la tête.
Campistron la perdit, à la fin.
— Baste ! advienne que pourra, conclut-il. L’aventure est délicieuse. J’y suis, j’y reste.
Bruscambille avait entendu ces derniers mots.
— J’y suis, j’y reste ! c’est Mac-Mahon ! fit-elle à voix basse en parlant à Blanc-Partout.
Le colonel commanda du champagne. Un peu qu’il était dans de bonnes dispositions, il eut vile conquis un noble plumet. Pauline fut alors tout à fait absente de sa pensée. Il n’y songea pas plus que si elle n’avait jamais existé.
— Allons, maréchal adoré, criait Blanc-Partout, dis quelle est celle de nous deux que tu aimes !
— Je vous aime l’une et l’autre.
— Gourmand.
— Tu nous embrasseras chacune ?
— Mille tonnerres, je le jure !
— Parions que non !
— Parions que si !
Et voilà le colonel qui se lève et veut embrasser les deux joyeuses filles. Dans son élan, il bouscule la table ; elle se renverse, entraînant par terre verres et bouteilles, qui font en tombant un bruit de tous les diables.
Mais ce n’est pas tout.
La table, dans sa chute, met à découvert un cadavre qui était caché dessous.
En effet, un corps gît, inerte, sur le parquet : le corps d’un monsieur qui, bien qu’habillé d’un costume laïque, a le crâne marqué de la tonsure, signe distinctif des prêtres.
À ce coup de théâtre, Campistron perd le peu qui lui restait de raison. Il abandonne ses velléités amoureuses. Il se dit qu’il a été entraîné dans un guet-apens. Ces filles ont commis un crime ; elles ont voulu le griser pour lui en faire endosser la responsabilité.
Quel trait de lumière !
Il se précipite sur la porte, la ferme à double tour, met la clé dans sa poche, va à la fenêtre et hurle :
— Au meurtre ! au secours ! à l’assassin !
Bruscambille et Blanc-Partout veulent lui imposer silence.
— Ah ça ! vous êtes fou, disent-elles. Restez donc tranquille !
Mais lui :
— Misérables ! vous avez trempé vos mains dans le sang