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LES TROIS COCUS

vaut d’être à l’ombre au moment où vont se passer les autres événements de cette histoire. Le gaillard n’est donc plus dans la circulation.

Nos lecteurs ont bien compris que ce calotin exotique n’est autre que le prêtre polonais dont Philéas Grisgris possède les papiers et dans la peau duquel il s’est installé. Notre pompier a fait de notables propres dans la science sacerdotale. Irlande et Scholastique lui ont acheté quantité de bréviaires, catéchismes et autres bouquins sacrés qui l’ont mis tout à fait au courant de sa nouvelle profession.

Elles ont tenu à lui apprendre, elles-mêmes, a dire la messe à la mode française.

Dans une chambre, elles ont improvisé un oratoire. Jusqu’à ce qu’il ait connu son affaire sur le bout du doigt, elles lui ont fait répéter le saint sacrifice cinq et six fois par jour.

Philéas s’est prêté volontiers à cette manœuvre ; car, sous prétexte de communier avec le sang de Jésus-Christ, il a mis à sec de nombreuses bouteilles de vieux madère. Bref, il dit à présent sa messe et administre des absolutions comme s’il n’avait jamais fait que cela toute sa vie.

En revanche, Irlande et Scholastique chantent à genoux des chansons provençales, convaincues que ce sont des cantiques polonais. Elles en savent une collection très varice.

Le faux Groussofski, à la suite de son embrassade avec la Rastaquouère sur l’escalier d’honneur de l’archevêché, a trouvée, glissée dans sa ceinture, la carte de visite de la marquise. Intrigué, il s’est rendu, sans larder, à la maison de la rue de Rennes ; mais il n’en a rien dit aux deux vieilles filles. La marquise l’a fort bien accueilli, quoiqu’il ne fût présenté par aucun de ses collègues à tonsure. On lui a octroyé quatre marraines ; il a subi ses épreuves vaillamment ; Sainte-Chipie a déclaré qu’elle était toile de lui ; on lui a révélé l’attouchement et le mot sacré. En résumé, son initiation lui a coûté deux louis. Il a pensé que c’était cher. La Rastaquouère ne s’est pas privée de dire que, dans l’autre franc-maçonnerie, cela coûtait des fois plus de cent francs et qu’on n’avait pas les mêmes agréments que dans le Temple des Maçonnes de l’Amour. Après tout, comme ce n’était pas son propre argent qui était à la danse, Grisgris a conclu que cela lui était bien égal et qu’il reviendrait.

Il est revenu en effet trois jours après et a fait la connaissance de Chaducul.

Les deux prêtres se sont nommés l’un à l’autre.

— Tiens ! a dit Grisgris, c’est à vous que je suis recom-