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LES TROIS COCUS

— Ce n’est pas fini, il tant l’espérer..

— Oui, un miracle ne vient jamais seul.

— Puisse la bonne Vierge obtenir de son divin fils quelque prodige éclatant, quelque guérison merveilleuse et indéniable qui confonde l’incrédulité des impies !

Tandis que cette conversation se tenait à voix basse dans une des nefs latérales de la basilique, un bossu entrait. Il possédait une bosse formidable, une de ces bosses comme on en rencontre rarement, dont on peut dire même que le moule a été perdu.

Il fit lentement le tour de la basilique, examina avec attention les plus beaux ex-voto et s’agenouilla devant plusieurs autels.

Evidemment, ce bossu était venu à Lourdes pour obtenir la guérison de sa bosse, le redressement de son épine dorsale.

À ce moment, l’abbé Groussofski était en train de se débattre avec un infirme d’un autre genre qui voulait se confesser à lui.

Groussofski venait de dire sa messe dans une des petites chapelles et il rentrait à la sacristie, précédé de son enfant de chœur, lorsqu’un grand diable d’individu se planta devant, son passage en agitant d’immenses bras et en poussant des cris rauques.

Notre abbé fit un bond en arrière et faillit du coup lâcher son calice, sa patène et les autres ustensiles sacrés qu’il avait à la main.

L’individu était un sourd-muet de naissance, incapable de produire autre chose que des sons gutturaux tout à fait inarticulés.

L’abbé croyait avoir affaire à un fou.

Il se glissa contre un pilier, envoya un grand coup de pied dans le derrière de l’enfant de chœur pour le faire aller plus vile, et se faufila prestement à la sacristie.

Mais le sourd-muet en tenait pour se confesser.

Il se cramponna à Groussofski, et, à force de pantomime, avec grand renfort de gestes expressifs, il lui fit comprendre qu’il désirait recevoir une absolution.

Le cas était embarrassant.

Un prêtre ne peut absoudre un pénitent sans avoir préalablement entendu sa confession.

Or, le pénitent était sourd-muet.

Il fallut bien alors procéder à une confession par gestes.

Ce fut, comme vous pensez bien, un dialogue extrêmement curieux, dont le lecteur peut se faire une idée, mais qu’il est impossible à l’auteur de reproduire.