Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
LES TROIS COCUS

la place pendant trois ans en mettant mes appointements de côté, et je donnerai ma démission en signant en même temps un décret qui supprimera la présidence.

Avec cela, il était sûr de transmettre à la postérité un nom auprès duquel celui de Washington pâlirait.

Il venait de temps à autre à Paris, et ne manquait pas de rendre visite à l’établissement du Général Cambronne.

Nous savons que, le soir où l’abbé du Louvre tâta les rotondités de Paméla, celle-ci, en humant son mari avant le dîner, lui trouva une odeur particulière sur la nature de laquelle son nez ne se trompait pas.

Voici quel était le fin mot de l’énigme :

Pharamond était prédestiné aux amours de lieux d’aisance. À Marseille, il avait épousé les Méditations de Lamartine ; à Paris, c’était auprès de la dame du Général Cambronne qu’il criblait son contrat de coups de canif.

Ce n’était pourtant pas une belle femme, Mme  Sapajou. Elle avait de grands yeux ronds à fleur de tête, des dents inégales et pas blanches du tout, un nez écrasé, une taille énorme, des bras en boudins, une bouche fendue jusqu’aux oreilles.

Elle était tellement laide que, le jour où son mari s’aperçut qu’il était cocufié par le cordonnier poète, il en fut tout ravi.

La généralité des maris se fâchent quand ils apprennent qu’ils sont cocus. Achille Sapajou, lui, fut dans la jubilation. Il avait enfin de quoi river le clou à ses amis lorsqu’ils le blagueraient.

— Eh bien ! comment va ton horreur de femme ? lui demandaient parfois ses intimes.

— Mon horreur de femme ! s’écriait-il, on voit bien que vous n’êtes pas des connaisseurs en beauté, vous autres… Mon horreur de femme, dites-vous, quand Mme  Sapajou est ravissante !… Oh ! quel blasphème, mes amis ! La preuve que mon épouse est aimable et jolie, c’est que je suis cocu.

Il prononçait ce dernier mot d’une façon triomphale.

Aussi, avec quelle cordialité touchante il serrait les mains de Pharamond Le Crêpu, quand celui-ci venait papillonner autour du comptoir du Général Cambronne.

— Ce cher ami ! lui disait-il.

Il affectait de ne s’apercevoir de rien ; il était heureux de laisser aux coupables autant que possible le champ libre.

Et puis, — était-ce un pur hasard ? ou bien y a-t-il une providence pour le cocuage ? — jamais l’établissement n’avait autant prospéré que depuis le jour où Achille Sapa-