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LE MARCHAND DE BONHEUR

lesquels se joue un drame de passion et de jalousie, tandis qu’ils parcourent les plus beaux paysages de France. Mon père admirait et connaissait les principales contrées de notre pays si divers ; il insistait sur l’influence du terroir, des habitudes locales. Traditionnaliste dans l’âme, bien que par d’autres côtés révolutionnaire, il célébrait dans sa causerie les merveilleux aspects de la Bretagne, de la Normandie, de la Touraine, de l’Alsace, de l’Ardèche, du Lyonnais, de la Provence, du Languedoc. Il avait fait une étude approfondie des caractères régionaux. Sa première question à un inconnu, à un débutant, était : « Où êtes-vous né ? » Sitôt renseigné, il cherchait dans sa vaste mémoire les « dominantes » de l’endroit. À force d’examiner ses propres origines, il s’était fait une méthode, et les sautes de tempérament le long de tel fleuve ou de telle vallée excitaient sa curiosité au plus haut point : « Le Normand, c’est le Gascon du Nord. » — « La finesse lorraine : une vue courte, parfois un peu sèche, des hommes et des événements. » — « Ne pas, confondre la Provence avec le Midi des pierres, l’Hérault, le Languedoc. Elle tient de l’Italie. Ils préparent l’Espagne. » — « L’imagination logique de la Touraine (Rabelais, Descartes) diffère profondément de la cucée bourguignonne, de la fougue méditerranéenne. » —