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VIII
AVANT-PROPOS

qu’il la jugeât et la fortifiât. Maintenant même qu’il n’est plus, mon chéri, et par cette nuit doublement noire où je marche vers sa lumière, c’est d’après le son de sa voix, d’après le feu tendre de ses regards que je persévère en ma tâche.

Mon cœur déborde ; je l’ouvrirai. Tant de choses belles et nobles, qu’il m’a dites, frémissent en moi cherchant une issue ; je les laisserai s’éparpiller vers ses admirateurs innombrables. Ceux-ci n’ont rien à craindre. Leur doux consolateur fut sans tache. Si je me retourne en arrière sur la route âpre déjà, quoique brève de mon existence, je le vois calme et souriant, malgré ses tortures, d’une indulgence qui, à certaines heures graves, m’a jeté tremblant d’admiration à ses pieds.

Et ce n’est pas seulement par ce qu’il fut pour moi, pour mon frère, ma sœur, ou ma mère que je l’aime, c’est aussi et surtout pour son humanité si profonde qu’il en brillait d’une splendeur sereine, pour sa large et pitoyable compréhension de toutes choses et de toutes gens, telle que rarement certes elle parut ici bas, jamais dans un plus beau modèle.

C’est pour vous que j’écris, jeunes gens, pour