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LE MARCHAND DE BONHEUR

diens. S’il avait dans son amitié des polémistes comme Rochefort et Drumont, il admirait en Mme Adam l’esprit d’ordre, d’organisation, cette compétence universelle qui stupéfie quiconque approche la grande patriote ; il n’était jamais plus heureux que quand la « maudite politique » permettait à son vieux camarade Adrien Hébrard de venir causer avec lui. Quelles parties de rire alors faisaient ces deux méridionaux, renseignés sur tant d’hommes et d’événements, ayant acquis tant d’expérience et néanmoins sans amertume ! Or, ceux-là qui sont au sommet, aussi bien que les plus modestes reporters qu’il recevait avec sa gentillesse et sa bonhomie ordinaire, peuvent témoigner de sa sagacité, de son flair. Nul ne devina mieux que lui les goûts, les bizarreries, l’humeur changeante du public. Nul n’avait étudié davantage les variations de « la foule lisante », laquelle n’est point la même que la foule agissante et bruyante. Il était partisan résolu de la liberté totale de la presse, merveilleuse soupape de sûreté. Il répétait : « Il n’y a pas en France de gouvernement capable de réprimer la parole écrite ; tout effort en ce sens, ainsi que sous l’Empire, n’aboutira qu’à renforcer l’ironie, empoisonner l’allusion, doubler, tripler l’étrange puissance du bec de fer. On ne s’imagine pas aujourd’hui la stupeur générale que fut le terrible article de