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LE MARCHAND DE BONHEUR

rence de talent l’enfîévrait. Il voulait voir le signataire, le faire causer, l’aider dès le début. Il arrivait parfois qu’il renversât les rôles ; il confessait le reporter envoyé pour recevoir sa confession. Plusieurs, aujourd’hui célèbres, se rappellent ses encouragements et la manière affable dont il rassurait la timidité : « Conseiller les petits confrères, cela rentre dans le rôle du marchand de bonheur. Quand je reçois un de ces jeunes gens qui gagnent péniblement leur vie à tant la ligne, je me rappelle mes débuts et je songe que j’ai peut-être devant moi un homme d’avenir, de vrai talent. »

À tous il distribuait semblables conseils : « Ce métier que vous faites et qui vous rebute, vous servira plus tard. Par lui vous aurez pénétré dans beaucoup d’intérieurs, apprécié pas mal de caractères, assisté à plusieurs comédies. L’information, telle qu’on la pratique, n’est pas venue de New-York ou de Chicago. Elle est sortie du roman réaliste. Elle correspond au besoin de sincérité qui de plus en plus étreint les esprits. » Quand ses paroles étaient déviées ou rapportées de travers, il s’écriait avec indulgence : « Les historiens se trompent bien, les plus austères, les plus sûrs d’eux-mêmes ! Pourquoi ce garçon ne se tromperait-il pas ? La vérité est une terrible déesse fuyante. Tout ce qu’il y a de subjectif dans le