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LE MARCHAND DE BONHEUR

Il faisait alors l’examen des richesses inexploitées, des mines de renseignements et d’anecdotes que seraient les industries, les branches de commerce, les physionomies des divers quartiers, les « confessions des humbles », du marchand de marrons au cocher de fiacre : « Je tâcherais que dans chaque numéro il y eût une enquête solide sur une injustice, un tort grave, un abus de pouvoir, et, afin d’avoir les mains libres, je paierais mes billets de chemin de fer, de théâtre, etc. »

Il fut empêché de réaliser ce projet par la maladie d’abord, puis par son œuvre même, qui accaparait sa puissance de travail et lui rendait impossible toute besogne ardue de surveillance et de direction. Il dut se contenter de suivre les efforts d’autrui. Jean Finot n’ignore pas l’intérêt qu’il prit à la Revue des Revues, à ses curieuses enquêtes, à ses généreuses campagnes en faveur des Arméniens. On a raconté, dans les notices nécrologiques, comment, sur l’instigation de Finot, il eut la joie de sauver la vie à un illustre écrivain de là-bas, prisonnier des Turcs, dont le supplice était déjà prêt. Il ne fit point, à cette occasion, un manifeste à grand fracas, qui eût été sonore et vain. Il préféra l’action directe et discrète dont les compatriotes du malheureux, libre aujourd’hui, gardent à sa mémoire une grande reconnaissance. L’Europe d’ailleurs ne les a point gâtés.