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ALPHONSE DAUDET

entrait, il faisait la joie, la vie de la maison. Il la tenait serrée autour de lui cette famille qu’il chérissait et illuminait des plus doux regards, il l’abritait de sa force morale immense, toujours intacte, même grandissante. Il créait une atmosphère de bonté et de confiance à laquelle les plus froids, les plus fermés n’échappaient point.

J’en appelle au témoignage des innombrables amis, camarades de lettres, inconnus qui venaient rendre visite à l’écrivain. Ils le trouvèrent immanquablement prêt au conseil, au service, prêt à la précieuse parole qui entr’ouvre la confidence, apaise et guérit.

Nul ne sut comme lui le chemin des cœurs. Il avait eu des débuts difficiles et son extrême sensibilité, dont j’essaierai bientôt l’analyse, lui représentait avec un relief et une vigueur de détail inouïs, toutes les difficultés, toutes les rebuffades, toutes les hontes. Lorsqu’un homme était devant lui, le visage en pleine lumière, il le devinait, le jugeait avec une précision magique, mais il s’abstenait de paroles, ne se servait que de ses yeux doux, voilés, si pénétrants. « Son regard réchauffait », telle est l’expression qu’en ces jours de deuil j’ai retrouvée sur tant de lèvres, et j’en admirais la justesse. Aussi l’aveu, ce baume des âmes qu’a closes l’indignation ou le mépris, consolation des affligés, des abandonnés, des révoltés,