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HIER ET AUJOURD’HUI

l’aveu sortait sincère des poitrines les plus rudes, et les oreilles de mon bien-aimé ont entendu d’étranges confessions.

Je crois aussi qu’on devinait en lui une véritable ferveur d’indulgence. Il devait à son sang catholique l’amour du pardon et du sacrifice. Il croyait que toute faute se rachète, que rien n’est absolument irréparable en face d’un repentir sincère. Tant de malheureux sont prisonniers du mal qu’il ont causé et ne recommencent que par détresse ! Mon père avait un suprême argument : il se montrait lui-même, frappé en pleine gloire, se maintenant par la volonté. Il s’offrait en exemple et sa force était telle que bien peu résistaient.

Aussi, quelle éloquence intime ! Ses paroles et ses intonations demeurent intactes dans ma mémoire. Son timbre n’était pas le même lorsqu’il contait quelque histoire, en termes déliés, splendides et précis, ou lorsqu’il s’adressait à une souffrance. Il se servait, en ce dernier cas, de mots d’abord assez vagues, plutôt chuchotés que parlés, accompagnés de gestes d’une persuasion discrète. Peu à peu, avec des précautions et une délicatesse infinies, cela s’accentuait, se rapprochait, enserrait l’être de mille petits liens sensibles et insensibles, réseau ténu et minutieux du cœur, où le cœur bientôt battait plus vite. Ainsi faisait--