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LE MARCHAND DE BONHEUR

purement morales, pour les lancer dans le tumulte mondain comme disaient les jansénistes.

« De ceci résulte que nous comprenons ce qui nous environne à mesure que nous l’éprouvons Nous vivons deux existences parallèles et qui se complètent : l’une d’émotion, l’autre d’observation. Donner la prééminence à l’une ou à l’autre de ces existences, c’est se vouer au malheur. Le bonheur est dans leur équilibre. »

Plus j’avance dans mes souvenirs, plus il me paraît difficile de donner à ceux qui me lisent l’impression de sincérité, de sérénité, que laissait une de ces causeries. Songez que mon père, pour l’exposé de sa doctrine, choisissait toujours le meilleur moment et le plus bel endroit. J’ai dans l’esprit, grâce à lui, des paysages liés à de merveilleuses dissertations morales et il prétendait avec raison que cette harmonie du dedans et du dehors est ce qu’il y a de plus profitable à la sensibilité et à la création poétique : « Les conversations de Platon, celles de Socrate, plus près de nous celles de Lamennais, témoignent d’un vif désir de ne point séparer les deux natures, l’humaine et l’extérieure. D’une part, les ciels, les aspects terrestres, leur nuances mouvantes, deviennent autant d’images vigoureuses et profondes, inoubliables ; d’autre part, de nobles songeries