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NORD ET MIDI

Un intarissable sujet de discussion était le problème du mensonge : « Est-il juste de traiter de menteur un homme qui s’enivre avec son verbe, qui, sans but vil, sans instinct de tromperie, de ruse, de négoce, cherche à embellir sa propre existence et celle des autres avec des récits qu’il sait illusoires, mais qu’il souhaiterait vrais ou vraisemblables ?

« Don Quichotte est-il un menteur ? Sont-ils des menteurs tous les poètes qui veulent nous arracher au réel, franchir la planète à grands coups d’ailes ?

« D’ailleurs, insinuait-il, entre méridionaux on ne se fait pas d’illusion. Chacun, à part soi, rétablit les proportions déplacées. C’est, comme dit Roumestan, « une affaire de mise au point ».

Les compatriotes d’Alphonse Daudet ne lui ont point gardé rancune de ses plaisanteries. Ils ont compris quel hommage leur avait rendu l’écrivain en glorifiant et généralisant, par sa puissance, leurs tournures et façon d’être : « J’aime tout de mon pays, jusqu’à la nourriture. Ne me parlez pas de viandes lourdes, de pommes de terre, de pesants rôtis. Un anchois écrasé sur du pain, des olives, des figues, un aïoli, voilà mes préférences. J’envie le sort des bergers, seuls au milieu de leurs troupeaux, soit dans les plaines de la Ca-