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ALPHONSE DAUDET

violente, l’amour, on voit que le méridional fait d’elle la grosse occupation de sa vie, mais ne se laisse point désorganiser Il en aime le bavardage, le décor léger et changeant. Il en déteste la servitude. Il lui est un prétexte à sérénades, à dissertations fines et précieuses, à moqueries et à caresses. Il comprend difficilement l’alliance de l’amour et de la mort, qui est au fond de toute âme septentrionale et jette sur ces brèves délices une brume de mélancolie ».

Un point sur lequel il revenait sans cesse : la facilité avec laquelle l’homme du midi se dupe à ses propres mirages, l’emballement demi-sincère auquel il se laisse aller avec le correctif d’un sourire. On retrouve, en son talent, l’empreinte de cette émotion qui a la pudeur d’elle-même, qui craint de dépasser la mesure. Une partie du charme vient de là. C’est une sécurité pour le lecteur délicat de n’avoir point à rougir de ses larmes.

Il vantait aussi l’éloquence naturelle à ses compatriotes. Dans la moindre réunion rustique, on est surpris d’entendre un vibrant discours, prononcé d’une voix assurée : « Je n’ai point hérité de ce don-là. Ma langue s’embrouille, s’il me faut m’exprimer devant plus de dix personnes. Ma myopie y est pour quelque chose. »