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NORD ET MIDI

paraît comique, si l’on n’est de cette race excessive. »

Mon père réunissait avec soin — on les trouvera dans ses notes — tous les proverbes méridionaux, ceux surtout qui concernent la famille, le rôle de la femme dans la maison. Il recherchait, dans sa mémoire, des silhouettes lointaines de parents singuliers, tels que les formait jadis la province, quand une centralisation excessive n’émondait pas les caractères, ne les ramenait pas à un type banal.

Lorsqu’il est en Provence, il fait causer chaque paysan, écoutant avec joie ces explications forcenées, pittoresques, mêlées de remarques sentencieuses qui révèlent le filon romain : « Je découvre ma jeunesse à chaque tournant de route. Faut-il croire la parole du Dante ? Est-ce un supplice ou un soulagement que de se rappeler les heures de joie parmi la peine et le regret ? »

Il pensait, comme il l’a écrit, « qu’en France tout le monde est un peu de Tarascon ». Il disait, sous une autre forme, que « le Français qui s’exalte devient aisément méridional ». C’est ainsi que, pendant la guerre de 1870, il avait pu voir la propagation des fausses nouvelles, l’extrême enthousiasme joint à l’imprévoyance du début,