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NORD ET MIDI

paroles. Mon père était un spontané. Dans le domaine de l’action, il se méfiait du calme ; sa générosité naturelle le mettait d’instinct dans la voie héroïque. Enfin, j’ai souvent remarqué chez les protestants une difficulté extrême à se décider, une forme paralytique du scrupule. Mon père acceptait les responsabilités tranquillement, mais immédiatement ; il prenait son parti en quelques minutes.

Ces plis que la religion laisse au caractère faisaient l’objet de nos fréquents entretiens. Il connaissait à merveille les traits qu’imprime la foi dans les âmes. L’histoire de la Réforme l’avait passionné, en tant qu’opposition du Nord à l’expansion toute méridionale de la Renaissance :

« Eh oui, je comprends que, sous un ciel bas et dans les brumes, ces papes voluptueux qui, suivant le mot admirable de l’un d’eux, n’imaginaient pas que les hommes vécussent « sans se couillonner les uns les autres », ces papes à rubans, à dentelles, à maîtresses, à peintres et à musique devaient révolter des âmes violemment rigoristes. C’est là qu’éclate l’influence du climat… Dans nos campagnes encore l’aspect du village protestant diffère entièrement du village catholique. Mais il n’est pas douteux que le catholicisme a pour lui le sens du pardon, du sacrifice, ce beau dogme de la substitution et du