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ALPHONSE DAUDET

rachat que l’on a tant de fois déformé et mal interprété. »

Les « Évangiles » lui mettaient les larmes aux yeux. Il aimait, du culte, la pompe extérieure, l’ordonnance, les processions, la blanche douceur des communiantes, les cloches surtout dont la voix grave l’emplissait de mélancolie. Jamais de sa bouche n’est sortie une parole d’impiété. Était-il absolument incroyant et sceptique ? Ce sont là de ces secrets que garde jusqu’au bout la conscience. Il était heureux que ma mère allât prier sur la tombe des siens. Il manifesta le désir de nous voir baptiser, communier. Il était fils d’une mère dévote. Lui-même, dans sa toute jeunesse, avait été d’une piété excessive. Par son sens de la douleur et la dure épreuve de la vie, il tenait étroitement à cette religion qui a trouvé les plus beaux cris, les plus profonds apaisements, les renonciations les plus tragiques et les plus subtiles. Je l’ai entendu parler du Christ avec une onction vigoureuse qu’envierait tout prédicateur, quelque chose d’étroit, d’embaumé, de familier, qui concordait aux horizons de Palestine, et qu’il tenait de la Provence. Souvent son œil s’est éclairé à une parole de mystère, ou de miracle ; il s’exprimait sur la foi, les périodes de sécheresse, les tourments des croyants avec une éloquence puisée aux sources intimes de la sen-