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ALPHONSE DAUDET

des projets de livres et de personnages, auxquels s’associait tout à coup le monde extérieur : « C’est lorsqu’une idée nous exalte et nous absorbe, que, par un singulier paradoxe, nous devenons le plus « poreux », le plus « impressionnables ». L’état de demi conscience, c’est le magasin d’accessoires, c’est l’engrangement du romancier. »

Quand ses forces déclinantes ne lui permirent plus de grandes courses, son but de promenade le plus fréquent devint la maison de son beau-père, Jules Allard, « son meilleur ami ». Mes grands-parents habitaient alors en haut de la rue du Cherche-Midi, une jolie maison avec jardin dont la description revient souvent dans les « petits cahiers ». Là, sont rapportées de longues causeries avec mon grand-père, connaisseur d’hommes et poète, républicain de la grande époque, avec ma grand’mère, Léonide Allard, d’esprit large et mystique, et qui défendait les droits du surnaturel contre les railleries du réalisme. Car mon père fut toujours rebelle aux manifestations de l’au-delà, et garda sur « l’Inconnaissable » l’opinion de son ami Montaigne.

« Ma chère maman (il l’appelait ainsi), j’ai remarqué que, dans une famille, la superstition et le scepticisme s’équilibrent, comme s’équilibrent aussi la vertu et le vice, la prodigalité et l’ava-